Le thème lui tient à coeur : il a passé dans ce vieux chantier de délicieux moments d’enfance, dont les souvenirs le réchauffent encore. Et son père lui a consacré une partie de sa vie.
Mais les commandes se faisant rare, le chantier est à présent menacé. Les hommes se sont aigris. Tel copain qui le faisait sauter sur ses genoux vote désormais F.N.. Et n’en a pas honte. Et puis, son père, qu’il voit trop rarement et à qui il rend visite à l’occasion des prises de vue, lui apprend qu’il est condamné. Les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer sont déjà là.
Quant au sujet de son exposition, il n’intéresse personne. Et s’il rêvait de pouvoir exposer avec l’un des meilleurs photographes de son temps, il s’aperçoit finalement que l’intérêt que celui-ci lui porte n’est que façade, et qu’il le considère en réalité avec mépris.
Pour Marco, c’est comme s’il recevait baffe sur baffe. L’écroulement progressif d’un monde qui le maintenait dans un équilibre fragile... à l’aide aussi, il faut le dire, de pas mal de psychanalyse, de petites pilules anti-angoisse et de quelques fumettes de canabis. Et sa compagne qui parle de déménagement et de premier bébé ne l’aide pas à se rassurer, lui qui se sent très bien dans sa maison de célibataire et ne se sent pas du tout, par contre, père potentiel.
Alors, avec tout ça accumulé, la petite machine intérieure de Marco craque, et il se retrouve à l’hôpital... avec un médecin qui parle de l’envoyer en psychiatrie.
(par Patrick Albray)
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Après un premier tome considéré par beaucoup (nous en premier) comme l’album de l’année 2003, Manu Larcenet nous livre une suite inattendue et bouleversante, sensible et d’une formidable humanité. Dense, riche, terrible comme sont les douleurs et les blessures de la vie. L’émotion est constante dans ce second volume où le lecteur prend autant de baffes que le personnage principal, par des images d’une force dramatique rare. En filigrane, ce dialoguiste doué parvient à instiller les touches d’humour et d’ironie qui sauvent le livre du mélo et du pathos. Mais on le finit sous le choc. Heureux que la bande dessinée puisse offrir des oeuvres d’une telle qualité. Et un peu triste qu’elles soient si rares.