Le Gigot du Dimanche - Par Pelaez & Espé - Ed. Grand Angle/Bamboo

Un dimanche du printemps 1981, toute la famille est réunie pour le traditionnel repas du midi. Le jeune Pilou est entouré de ses parents, oncle, tante et cousins, mais on perçoit vite une belle complicité avec sa grand-mère. Celle-ci aurait caché quelques Louis d’or dans sa maison, ce qui ne manque pas d’aiguiser l’appétit des convives.

Derrière ces agapes dominicales, on sent très vite des rivalités larvées, de vieilles rancoeurs et un bon paquet d’idées reçues refaire surface. L’action se déroule quelques jours après l’élection de la gauche au scrutin présidentiel, événement dont on a oublié le traumatisme qu’il provoqua dans la société et parfois jusqu’au sein des familles.

Par le biais de l’humour et d’un regard sarcastique l’histoire nous replonge dans cette période si particulière des années 980. Cela donne lieu à des échanges savoureux en écho aux débats idéologiques de l’époque qui ne seront pas sans rappeler quelques souvenirs aux plus de quarante ans !

Bien entendu, la recherche du magot de la vieille ne va pas tarder à orienter l’histoire vers des préoccupations plus mercantiles, mais aussi prendre un tour de comédie policière très « années 1970 ». La narration revient ensuite sur la tendresse et la complicité qui unissent le jeune Pilou, alter ego non dissimulé du scénariste, à cette grand-mère très ordinaire et attachante.

Que celui qui n’a jamais subi un déjeuner du dimanche en famille autour d’un gigot, un poulet ou tout autre rôti jette la première fourchette aux auteurs de ce one-shot truculent. En reprenant l’intrigue, assez classique, de la recherche du magot planqué par la grand-mère, Philippe Pelaez(Pinard de guerre avec Porcel, Puisqu’il faut des hommes avec L. Pinel chez Grand Angle) joue autant sur la nostalgie sans complaisance que sur des souvenirs personnels... plus ou moins « arrangés ».

L’action se déroulant quelques semaines après la victoire de François Mitterrand en 1981, le climat est résolument vintage et parfaitement traité par Espé Le Perroquet chez Glénat ; Le Col de Py édité par Grand Angle) servant la description des mentalités et des idées piochées dans ses souvenirs personnels par le scénariste. Historien de formation Philippe Pelaez n’a aucun mal à installer son récit dans un contexte historique documenté, bien identifié non sans une bonne dose d’humour.

On obtient ainsi un regard sans complaisance sur ceux qu’on nommait alors « les Français moyens » au seuil des années 1980. Les points de vue contradictoires se télescopent, les idées reçues fusent, miroirs d’un état d’esprit fort heureusement révolu dans ses outrances. Une France sans réseaux sociaux, ni Internet mais pas dépourvue d’idées plus ou moins nauséabondes sur la politique, les jeunes, l’homosexualité ...

La galerie de portraits qui nous est proposée rassemble bien des clichés et des fantasmes alors très présents dans les mentalités du moment : peur des « rouges » dans ce contexte politique particulier, clichés et mépris des différences, humour plus ou moins lourdingue et clivages politiques très tranchés. Une manière de situer l’intrigue qui reste, ne l’oublions pas, la recherche du magot.

On retient qu’au delà, les auteurs posent aussi un regard tendre et finalement plutôt complaisant envers des personnages qui ne sont évidemment pas des héros dans une chronique sociale, frappée au coin d’une nostalgie assumée et bienveillante.