Benjamin, l’auteur de Remember, nous avait impressionné dès ce premier album en français par la maîtrise de sa palette graphique. Il ne déçoit pas de ce côté-là avec Orange.
Le personnage éponyme est une jeune très dans la norme : délurée mais pas prête du tout à laisser le premier mec venu la peloter un peu trop, toujours fourrée avec ses copines qu’elle dénigre mais qui ne semblent pas avoir un comportement bien différent du sien - autrement dit, à la recherche du petit copain idéal sans bien se demander quel rapport cela peut avoir avec la réalité, seule, solitaire, finalement, dans sa vie d’ado toujours entourée.
Quand commence le récit, un jeune adulte se jette sous ses yeux du haut d’un immeuble. Le reste est un grand flash-back qui va dérouler le fil d’une histoire qui a amené à ce suicide.
On trouve beaucoup de questionnements quasi existentiels dans cet album, mais quelque peu au ras des paquerettes. Une sorte de de manifeste post-ado sur la difficulté de faire face à la vie, le tout avec une bonne dose de romantisme rebelle (évidemment, pour une ado, un jeune vingtenaire qui n’est pas en costard cravate peut passer pour le summum de la rébellion) qui fait penser au chroniqueur qu’il est un peu trop vieux pour ce genre de choses.
Cela dit, la sincérité de Benjamin est indéniable, tout comme son élan, sa volonté de présenter sans fard la vérité de ses personnages.
Quoi qu’il en soit, Benjamin continue à convaincre, visuellement. On retrouve cette version numérique du coup de pinceau expressionniste, épais et un peu brut, qui en dit plus long sur l’état de ses personnages que tous les dialogues et monologues. On peut remarquer son souci de la narration : si les pleines pages sont nombreuses, elles ne paraissent jamais gratuites, ne donnent jamais l’impression d’une solution de facilité. Le dessin de Benjamin est dense, même quand le découpage est simple. On peut enfin noter la superbe séquence finale, d’une sobriété narrative certaine, qui accompagne remarquablement Orange dans son périple intérieur.
Le carnet de dessins commentés par l’auteur qui, comme pour le premier album, clôt ce volume, offre un nouvel aperçu des talents de Benjamin - et de son goût pour les commentaires, disons, irritants.
Orange est sans nul doute de la belle bande dessinée. La sensibilité de chacun au ton employé par l’auteur jouera donc dans l’appréciation de cette œuvre.
(par François Peneaud)
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