De facture classique, cette reprise est soumise à un cahier des charges et à un certain nombre d’enjeux caractéristiques de l’exercice : comment plaire aux inconditionnels de la première heure sans trahir un patrimoine qui leur est cher, tout en réactualisant la série pour convaincre un public n’ayant jamais entendu parler du héros en question.
Concernant la fidélité aux albums d’origine, elle est belle et bien présente. Le scénario de Laurent Frédéric Bollée est d’une telle rigueur que la continuité induite par son propos avec les derniers albums de 1977 est complètement évidente et cohérente. Les enjeux du récit sont ici importants et pourvus de sens. Ainsi, à la façon d’un épisode de James Bond, deux entités puissantes se livrent une guerre secrète dont les enjeux ne nous serons dévoilés qu’au fur et à mesure du récit pendant qu’un mystérieux tueur insaisissable liquide les antagonistes du tome précédent.
En BD, les héros demeurent d’ordinaire intouchables, c’est cependant un Brazil plus mature que nous retrouvons dans ce diptyque, un personnage neurasthénique durablement affecté par la perte de ses frères d’armes. Le mythique commando Caïman avait été en partie décimé dans les albums précédents, ce qui affecte profondément le héros, à tel point que ses acolytes les agents Gaucho, Rafale et Nomade occuperont dans ce second tome une place aussi importante que le personnage éponyme de la série.
Tous dotés de personnalités fortes, ces « seconds couteaux » sont particulièrement bien exploités et permettent à l’intrigue d’avancer de façon notable, dans un registre inédit pour ce groupe : la science fiction. On s’affranchit donc des stéréotypes initiaux pour aborder des thèmes plus contemporains.
Les amateurs de la première série ne trouveront en revanche peut-être pas leur compte dans les planches de Philippe Aymond. Le dessinateur de Lady S, et c’est heureux, il n’imite pas le grand William Vance, il le transpose. Certaines cases sont impressionnantes. D’une jungle luxuriante à une conquête de Mars, ce diptyque est un reboot qui plaira aux fans. Suffisant pour conquérir un nouveau public ? C’est ce que nous souhaitons à cette appropriation fidèle et convaincante.
(par François RISSEL)
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