Car Sam Lawry, désormais, lorsqu’il se trouve face à l’un de ses camarades de combat, voit dans un flash sanglant le sort qui l’attend s’il fait partie de ceux que le sort a désignés pour être une des prochaines victimes de la boucherie de la guerre. Un homme lui parle et -flash !-, il le voit troué de balles. Un autre lui adresse la parole et -flash !- sa tête explosée lui apparaît.
De quoi ne plus dormir la nuit. De quoi, aussi, devenir la brebis galeuse du régiment. Car, que faire ? Se taire ? C’est laisser son camarade partir vers une mort certaine. Lui parler ? C’est l’obliger à vivre avec la certitude qu’il va mourir bientôt... et courir le risque d’avoir attiré sur lui le mauvais oeil.
Ce don, Sam Lawry le paie cher. Rejeté par les siens, qui le rouent de coups pour venger ceux qui sont morts et qu’il est accusé d’avoir tués en leur portant la poisse, il est sans cesse à la merci d’une "balle perdue" d’un de ses anciens camarades. Il se console au Sporting Bar, un bistrot vietnamien dont le tenancier, Van, lui tient compagnie. Mais le brave homme est également responsable d’un réseau mafieux chinois. Trafiquants de passeports, d’armes, ils permettent aussi aux déserteurs de passer en Thaïlande.
Sam sauve la vie de Van lors d’un attentat qui mène la milice américaine chez lui, à la recherche des responsables. Et Van a donc une dette vis-à-vis de lui. Il va vite avoir l’occasion de la réclamer.
Car son frère arrive des Etats-Unis. L’idiot s’est engagé ! Et, dès son arrivée, Sam a une terrible vision. Il le voit mort, percé de cinq balles... Il n’a donc plus qu’une idée en tête : le convaincre de déserter et de passer en Thaïlande avec l’aide de la mafia de Van. Mais celui-ci est-il vraiment l’ami qu’il prétend être ?
(par Patrick Albray)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Cette histoire en deux volumes ("Celui qui voit" et "L’oeil de Caïn") nous plonge avec un réalisme souvent insoutenable dans la boucherie abominable que fut la guerre du Vietnam. Le scénario est très documenté et de nombreux détails nous montrent que les auteurs connaissent parfaitement leur sujet. L’intrusion du fantastique dans le drame terrible qui attend les hommes placés dans ce jeu sinistre qui va les broyer ne choque pas. Au contraire, on y croit, et l’on est pris par la même angoisse que le personnage principal lorsqu’une vision rouge sang désigne les prochaines victimes du massacre. Violent, ce livre l’est incontestablement, mais comment pourrait-il en être autrement quand on parle d’une telle horreur ? Une horreur montrée sans artifices, jusqu’à provoquer la nausée. Mais il est aussi sensible, touchant, et même si quelques naïvetés de débutant l’empêchent de viser le "sans faute" (on pense au portrait manichaéiste du commandant de régiment ricaneur), il s’agit d’une oeuvre prenante, qui accroche le lecteur par la qualité du suspense et la force des images de guerre... bien loin du côté aspetisé de sa représentation dans la bande dessinée de l’époque.
Lire un extrait :
Celui qui voit
L’oeil de Caïn