Un maffioso décide de sortir par la grande porte en se tirant une balle dans la tête avant qu’un cancer ne réduise en poussière sa prestance de malfrat respecté. Il laisse à un notaire le soin d’expliquer à ses deux héritiers d’ados qu’ils ne toucheront le pactole qui leur permettra de jouer à la Nintendo jusqu’à la fin de leurs jours, que s’ils déposent ses cendres "quelque part au-dessus de son pays natal" : la Belgique.
Petit problème : le "quelque part" ne sera révélé que par bribes, dans un jeu de pistes aux épreuves censées transformer les deux séborrhéiques légumes en maffiosi dignes de leur parrain de papa. Pour les accompagner, leur mère les confie à un lointain cousin : le détective privé Canardo. Ce que personne ne sait, c’est que le jeu de pistes est piégé. Et que les épreuves seront à l’image du défunt. Vicieuses.
Canardo ne va pas devoir attendre longtemps avant de s’en apercevoir. Quelques minutes à peine après l’arrivée des deux candidats à la fortune dans la grisaille belge, les balles crépitent et les premiers cadavres commencent à tomber. Cette mise en bouche est à l’image de ce que sera le reste du voyage. Au terme de chaque épisode plus ou moins sanglant, une enveloppe livre le lieu du prochain rendez-vous.
D’enveloppe en enveloppe, de piège en piège, de cadavre en cadavre, Canardo se voit ainsi imposer une visite des coins les plus reculés de la Belgique. Il n’est heureusement pas tout seul pour accompagner les deux ados. Connaissant leur insupportable caractère, leur père avait prévu de l’assister d’une gouvernante aux protubérances mammaires loin de laisser indifférent notre détective privé… Mais dont le caractère autoritaire que n’apprécient pas, eux, les deux boutonneux.
Ne cherchez pas la vraisemblance dans cette succession de péripéties. Les enveloppes tombent toujours à point nommé, quel que soit l’endroit choisi par Canardo pour s’en sortir et la fin est à l’image du reste du récit : abracadabrante. Le talent de dialoguiste de Benoît Sokal et l’efficacité de ses mises en page dessinées par Regnauld lui permettent de ne pas s’embarrasser de logique ni de cohérence, il sait entraîner le lecteur sans qu’il se pose de questions.
On s’en pose, par contre, sur la caricature donnée de la Belgique. Des moules et puis des frites pour la Flandre, un Atomium pour Bruxelles, des pédophiles et des gangsters pour Charleroi,… et des demeurés pour les villages ruraux des Ardennes. Des clichés archi-simplistes. Sokal ne nous avait-il pas habitués à un minimum de subtilité dans sa férocité… ? Et à un minimum de force romanesque dans ses récits ? Deux ingrédients qu’on aura bien du mal à trouver dans cet album.
(par Patrick Albray)
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