Après que Gen a tenté de tuer Nagi et qu’il a frappé Reiji, trois mois se sont écoulés. Le héros est sorti de l’hôpital et a commencé un boulot précaire au lieu de retourner au lycée. Nagi a quitté la ville avec Esemori, Gen a disparu et Tchako ne donne plus de nouvelles. Commence alors une routine monotone pour Reiji qui semble à nouveau passif, et ce, pour le plus grand bonheur de sa mère.
Cette fois, Yûko est peu présente, mais ses rares apparitions sont pesantes et angoissantes. En particulier avec son beau-fils Kazumasa, qui se sent menacé par elle. Une des planches illustre parfaitement la domination de cette mère. Sur celle-ci, on peut voir la tête et le cou de Yûko dépasser d’une pièce et paraître disproportionné, ses yeux effrayants regardant un Kazumasa qui apparaît en minuscule sur les marches d’escalier. Les proportions du corps de « Yûko » lui confèrent un aspect monstrueux (rappelant un titan de L’Attaque des Titans) ; cela donne un aperçu du point de vue de son fils aîné, qui est terrorisé par elle. Voilà une femme qui donne la chair de poule, il vaut mieux ne pas la croiser.
Passons à la relation entre Reiji et Tchako. Cette suite décortique un peu plus leur « amitié » à travers un échange cru. Une scène qui s’oppose à une scène dans le tome 3 où l’atmosphère était décontractée et amicale.
Se sachant à cause de sa famille qui l’oppresse, l’adolescente s’est accrochée à ce garçon comme à une bouée. Il est vrai que Reiji est le meilleur ami de Tchako, mais elle a, à cause de sa mère, depuis très jeune des préjugés sur lui. C’est quelque chose qui se devinait déjà précédemment, mais Tchako confirme cela pas des paroles blessantes. En y réfléchissant, avoir Reiji auprès d’elle lui permet de se rassurer, car elle le voit comme quelqu’un d’inférieur à elle, alors que lui l’apprécie sincèrement (aurons-nous un jour droit à une relation saine dans cette série ?).
Reiji commence toutefois à avoir du succès auprès de belles femmes et à être le centre d’intérêt de plusieurs personnes. Tchako (complexée par son physique) n’arrive pas à accepter qu’il ne s’intéresse pas à elle de cette manière. Son surpoids devient de plus en plus gênant : si même le garçon pitoyable ne veut pas d’elle, qui la voudra ? À partir de là, elle développe une obsession et une jalousie pour Nagi, qui devient (dans sa tête seulement) sa rivale. Autrefois souriante et passionnée de lecture, elle devient complétement déprimée.
Pour ce qui est de Gen, il est en roue libre. Son agressivité à l’égard de Reiji est directement liée à son homosexualité refoulée. Il incarne également cette « masculinité » qui cache ses émotions et ses sentiments au profit de la seule violence. Ajoutons à cela qu’il porte le fardeau d’un meurtre depuis son enfance (poussé, sans surprise, par la mère de Reiji).
Aussi, le héros, sorti de sa passivité grâce à Nagi, échappe-t-il au contrôle de Gen qui ne le supporte pas. D’où la haine qu’il porte à l’idole... Pour aller plus loin, quelle que soit la personne qui tente de partir de la ville avec Reiji, celle-ci devient une cible pour Gen qui refuse cette possibilité. Il est lui-même piégé à jamais dans cet endroit à cause du cadavre enterré qu’il doit garder pour lui jusqu’à la fin de sa vie. Sa colère vis-à-vis du protagoniste est donc compréhensible, car il a porté sur les épaules le meurtre du père violent de Reiji (presque mort sous les coups). Voir Reiji vivre dans l’ignorance de son acte et s’éloigner de lui pour être avec quelqu’un d’autre n’est pas envisageable pour Gen.
Ryo Minenami s’attarde beaucoup sur la psychologie de ses personnages, qui subissent chacun leur tour une dépression nerveuse, et cette fois Gen et Tchako sont en plein dedans. Les personnages sont tous pitoyables et détestables. Pourtant, on a envie de voir où mènera cette spirale destructrice, même si les retournement de situation sont très présents et finissent par ne plus surprendre - si tout est sensationnel plus rien ne l’est.
(par Malgorzata Natanek)
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