Soir de fête en cette soirée d’été 1981 dans le manoir de Marcus Carlton : tout ce que San Francisco compte de mondains et de personnages en vue est chez l’écrivain dont la seule publication a connu un immense succès mondial : Le Mécanisme. Mais Carlton s’éclipse en cours de soirée et annonce froidement à son majordome, qui savait que ce moment arriverait, qu’il est temps de partir. Direction le Golden Gate : en dépit de la présence de la police, rapidement prévenue, l’écrivain saute.
En 2009, Jonathan Bennett, journaliste et essayiste New-Yorkais, reste captivé par Le Mécanisme. Il y voit quelque chose d’à la fois dérangeant et fascinant qui, au-delà de son récit, renfermerait un pouvoir particulier : celui de questionner nos choix de vie. Obsédé par le livre, au point de délaisser son couple, Bennett s’isole à Majorque pour rédiger un essai sur le livre. Après un étrange incident, il rencontre le vieux Don Carter, qui ressemble étrangement à Marcus, et semble connaître par cœur Le Mécanisme. Curieusement, il connaît aussi l’obsession de Benett, qu’il a lu et reconnu. Le chien de Carter se nomme Benett (tiens donc !). Les deux protagonistes de l’histoire vont alors se lancer dans de profonds échanges philosophiques sur le mystérieux ouvrage.
Alors que l’on croit s’orienter vers une enquête relative à la disparition de Carlton (après tout, son corps n’a jamais été retrouvé…), Gabi Beltran, espagnol, nous mène en fait vers la question de « l’expérience » que constituerait la lecture du Mécanisme. On se retrouve le plus souvent spectateur d’une discussion en tête-à-tête entre Benett et Carter, avec des dialogues bien sentis, et de nombreux plans fixes au domicile de Carter. Cette rencontre est-elle le fruit du hasard, ou était-ce écrit ? Jusqu’où se fier à ses intuitions ?
Le scénario est prenant mais, même si elles nous font comprendre les priorités de Benett, on aurait pu se dispenser des parenthèses sur ses problèmes de couple.
Graphiquement, Angel Trigo, qui signe ici sa première bande dessinée, propose un trait réaliste dans des décors assez épurés qui orientent l’attention sur les personnages et leurs réflexions.
(par Damien Boone)
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