1972, Marie-Claire Chevalier et sa mère Michèle s’assoient sur le banc des accusées du tribunal pour enfant de Bobigny. Leur crime ? Avoir fait avorter la jeune Marie-Claire, 16 ans, dans l’illégalité la plus totale. Un avortement clandestin qui est arrivé aux oreilles des autorités après la dénonciation des deux femmes par un jeune délinquant souhaitant échapper à sa peine pour vol de voiture. Mais ce jeune délateur n’est autre que l’agresseur de Marie-Claire, tombée enceinte après qu’il l’ait violée.
Dans la tourmente et sans le sou, les femmes Chevalier n’ont d’autre choix que de placer leurs destins entre les mains de l’avocate Gisèle Halimi. Cette figure incontestée des luttes féministes qui a passé sa vie à combattre les injustices et les discriminations sociales, économiques, ethniques ou encore sexistes est à l’époque co-fondatrice de l’association Choisir. Juste après la publication du manifeste des 343 (en référence aux 343 signataires ayant par ce geste reconnu avoir avorté et s’affichant donc contre les lois anti-abortive), maître Halimi et son association décident d’aider et de soutenir toutes les femmes qui subiraient une quelconque discrimination suite à un avortement. Elle sera donc l’avocate de la défense.
Deux ans après le cinquantenaire de l’anniversaire du procès qui avait vu fleurir plusieurs ouvrages opportuns plutôt axés sur le personnage et le parcours de Gisèle Halimi, cet album se concentre exclusivement sur le procès. Avec un peu de contextualisation, il se fonde sur une réalité légèrement fictionnelle pour raconter les acteurs, les enjeux et le déroulé de l’affaire.
Loin d’être une simple mise en scène des minutes du procès, cette reconstitution s’intéresse particulièrement au changement de paradigme : d’une simple procédure pénale, l’avocate le fait évoluer en un véritable procès contre la loi anti-avortement de 1920. Un changement qui va surtout se faire dans l’opinion publique, rendant cette affaire plus que d’actualité.
Bien qu’il soit présent, le contexte des luttes féministes du début des années 1970 reste à compléter. L’angle choisi par l’album invite grandement à se pencher sur d’autres sources permettant d’étayer la portée historique du procès de Bobigny dans les luttes féministes de la troisième vague.
1972 reste une date clef et un véritable jalon dans la lutte pour la légalisation de l’avortement. L’album fait la reconstitution d’une époque où la sororité semble être la seule voie vers l’émancipation. Le dessin de Carole Maurel apporte une approche humaine et touchante des actrices de l’événement tout en rappelant ses échos modernes.
Une lecture nécessaire, à compléter par d’autres sources sur la période, pour encore mieux saisir toute l’importance de cet épisode clé de la lutte pour le droit des femmes à disposer de leurs corps.
(par Kelian NGUYEN)
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Bobigny 1972 - Par Carole Maurel & Marie Bardiaux-Vaiente - Ed. Glénat