Alex Norris est un artiste qui a émergé sur Instagram grâce à de courtes bandes dessinées qui se terminaient toujours par « Oh no ! ». Un propos iconique pour les lecteurs qui a donné son nom à l’ensemble des créations de son compte « Webcomic Name », publié sur papier en 2019.
Sur Webtoon, il publie depuis 2016 une série de conseils dessinés sur l’amour intitulée How to love, et désormais disponible en France aux éditions Saltimbanque. Au départ, la série se voulait parodique et surréaliste, puis a évolué vers un propos plus sérieux. Une série qui n’a pas moins de 11 millions de lecteurs, excusez du peu.
La dédramatisation de l’amour
Cette BD n’est pas sans rappeler les créations de Liv Strömquist ou les bandes dessinées de Marion Montaigne (avec le bagage théorique et culturel en moins). La bande dessinée est le médium privilégié, parce qu’il est naturel pour les autrices et auteur en question, mais surtout parce qu’il est extrêmement populaire. Une rencontre où la transmission a de l’écho. Et contrairement à ce que certains affirment pour ce type de bande dessinée, le dessin, aussi simple soit-il, sert autant le propos que le propos sert le dessin.
La démarche de l’auteur consiste à vulgariser des questionnements et les réponses associées. Or, si cette BD ne se démarque pas par son acuité conceptuelle, les réflexions portées par l’auteur n’en demeurent pas moins extrêmement pertinentes. Celles-ci ont vocation à aider à vivre nos relations de manière plus sereines et dédramatisées. L’auteur nous invite à faire un pas de côté salvateur pour chaque sujet abordé.
La remise en cause des normes hétéronormées dans le domaine de l’amour participe grandement à cela. Il ne s’agit pas de les dénoncer en tant que telles, mais de contester la nécessité de s’y soumettre pour être heureux et heureuse dès lors qu’elles ne nous conviennent pas. Apprendre à résister à la pression sociale, plutôt que de céder et d’en être malheureux, parfois au prix de la stigmatisation.
L’auteur le reconnaît lui-même, les sujets sont traités de manière très simple, presque simpliste. Pourtant, de cette simplicité ressort une vision de l’amour qui n’est pas dogmatique, normative, mais qui encourage à expérimenter afin de trouver ce qui convient à chacun. Chaque relation intègre des paramètres qui lui sont propres. Le célibat, être libre de son orientation sexuelle, la relation amoureuse qui fait la part belle à la sensualité – et non la sexualité – ainsi que le polyamour y sont présentés sous des jours favorables et dédramatisés.
Un dessin naïf comme l’amour
Que dire du graphisme ? L’auteur affirme qu’il est d’une très grande simplicité ; il est à l’image de sa façon d’aborder l’amour. Une naïveté enrobée de couleurs vives, comme un bonbon fantaisiste dont on découvrirait la diversité des saveurs au moment de le croquer.
Une autrice à laquelle nous pensons en regardant le travail graphique d’Alex Norris est Anouk Ricard. Celle-ci parvient à bâtir des récits d’une rare drôlerie et d’une grande intelligence derrière un univers d’une apparente simplicité. Ici, l’auteur aime jouer avec la géométrie des formes, la perspective, les plans et l’humour inhérent à certaines représentations ou mises en scène.
How to love, aux éditions Saltimbanque, est une bande dessinée pleine d’empathie et de bienveillance vis-à-vis de la différence. Une bande dessinée qu’il est bon d’offrir à des adolescents ou des jeunes adultes qui s’interrogent sur l’amour et se sentent oppressés par les injonctions de la société. Elle est tout aussi intéressante pour des adultes qui continuent de se poser des questions et qui souhaiteraient découvrir de nouvelles manières de concevoir l’amour, l’amitié et le célibat.
(par Romain GARNIER)
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