Un public familial était venu assister à la projection d’un dessin animé de Cédric et à une rencontre avec les scénaristes Raoul Cauvin et Zidrou. Le premier était venu présenter la nouvelle saison du dessin animé Cédric, le second, l’adaptation cinématographique de L’Élève Ducobu.
Laurent Duvault, le directeur du département audiovisuel de Média-Participations assistait au débat et nous confiait que le succès du film Le Petit Nicolas avait suscité un certain engouement de la part des producteurs. Plusieurs séries tout public et familiale du catalogue Dupuis, Dargaud et Le Lombard, ont été optionnées ces derniers mois : (Cédric, Boule & Bill, etc. Une suite à l’adaptation cinématographique de Ducobu sera même envisagée en fonction de l’accueil du public pour le premier film qui sort le 22 juin prochain. L’élève Ducobu sera d’ailleurs projeté à Cannes en marge du festival. Zidrou nous a avoué s’être acheté un smoking pour l’occasion.
Mais l’événement marquant de la journée fut la projection du teaser et d’un making-of de 40 minutes de Rani, le feuilleton télévisé écrit par Jean Van Hamme devenu ensuite une bande dessinée signée Francis Vallès et Didier Alcante. Les huit épisodes de 52 minutes seront diffusés sur France Télévision à la fin de l’année. Le réalisateur du film, Arnaud Sélignac, était venu présenter et commenter des extraits en compagnie de Jean Van Hamme. Le public a pu constater que Alain Clert et France Télévision, les producteurs, ont consacré beaucoup de moyens à ce téléfilm. L’équipe technique en Inde était composée de 300 personnes, alors qu’il y a généralement quatre fois moins d’effectif dans les tournages en France. Arnaud Sélignac faisait remarquer avec humour que c’était la première fois qu’un scénario de Jean Van Hamme avait fait l’occasion d’une cérémonie religieuse ! En effet, la coutume veut qu’en Inde, dans le milieu du cinéma qu’une prière ait lieu avant le tournage pour porter chance au film, certaines d’entre elles étant consacrées au scénario. Nous vous reparlerons plus longuement de ce téléfilm ambitieux au moment de sa diffusion.
Une exposition consacrée à Jean-Claude Servais, l’auteur d’Orval a été inaugurée peu de temps après.
En début d’après-midi, Jean Dufaux a présenté le film Amer d’Hélène Cattet et Bruno Forzani avant sa projection.
Une cérémonie hilarante
On dit que la Belgique est le pays du surréalisme. C’était en tout cas le parti-pris de l’organisation du prix Diagonale, ce samedi soir.
Après un accueil costumé où de faux cavaliers tentaient sans aucune bonne volonté de parquer les invités, la cérémonie – ou devrait-on dire : « le spectacle » – débute par un exorde fougueux déclamé avec passion. Devant un tel un étalage de qualités estimables, on imagine que le crieur costumé va accueillir le président du jury Jean Dufaux, mais non : à la surprise générale, l’orateur conclut son éloge en citant le nom de... Nick Rodwell !
Le patron de Moulinsart n’était bien évidemment pas de la partie, et c’est devant un rideau très statique que le public éclate de rire, comprenant que si l’humour sera de la soirée, les vannes caustiques risquent néanmoins de sévir, surtout lorsqu’on se rappelle que le Musée Hergé a établi ses pénates à quelques centaines de mètres de là. Voilà donc une introduction qui pourrait mettre mal à l’aise les responsables politiques soutenant le Prix Diagonale. Qu’importe ! S’il faut rire, commençons par rire de nous-mêmes, et que celui qui n’a jamais taclé le voisin attaque en justice le premier !
On en connait des cérémonies de prix où l’on assiste patiemment à la succession des primés, alors que les auteurs prouvent souvent qu’ils sont plus à l’aise derrière leur table à dessin qu’un micro à la main devant une salle archi-bondée. On en viendrait alors à apprécier à l’avance une courte remise de trois prix (Meilleur album étranger, Meilleur album francophone, et Grand Prix Diagonale) organisé par la ville belge d’Ottignies-Louvain-La-Neuve.
Pourtant, la quatrième cérémonie des Prix Diagonale s’étala sur près d’une heure et demie, sans que le public ne voie le temps passer ! Les discours des autorités politiques étaient agrémentés de dessins humoristiques réalisés dans leur dos, et vous pouvez deviner que les éclats de rire du public décontenançaient au possible les pauvres orateurs. Même lorsque les primés montaient sur scène, un chœur chantaient leurs noms avec force humour, de manière à diminuer au mieux les temps morts, susceptibles de faire retomber l’ambiance.
Devenus acteurs malgré eux dune cette farce célébrant autant le neuvième art que l’autodérision, Denis Lapière et Ralph Meyer récompensés avec l’absent Frank Giroud pour leur Page noires (Ed. Futuropolis), ainsi que Davide Reviati primé pour son album État de veille (Casterman), se souviendront sûrement longtemps de cet accueil : les premiers reçurent une bouteille du vin local apporté par une vigneronne bien entamée, tandis que l’auteur italien se vit offrir un fromage par une « Miss Vacherin » au poil. Les discours se déroulèrent aux côtés de ‘Juliette’, à l’intérieur même de leur balcon.
En guise d’interlude, les acteurs et actrices de ce spectacle aussi farfelu qu’inventif chantèrent ou déclamèrent des poèmes de leur cru. La chasse aux jeux de mots était lancée, pour le plus grand plaisir du public qui attrappait au vol ce qu’il pouvait.
Après ces chants, ces saynètes, ces mises dans l’embarras et cette joyeuse humeur dispensée, arrive le moment tant attendu où Jean Dufaux fait l’éloge du nouveau Grand Prix, qui intégrera l’équipe déjà constituée par Servais, Van Hamme, Hermann, Cauvin et du journaliste Daniel Couvreur [1]. Lorsque le scénariste de Murena cite Olivier Rameau, rares sont les spectateurs à ne pas faire le lien avec Dany. Mais si on s’attendait à une présentation classique du dessinateur, Dufaux se permit de titiller le primé en lui faisant remarquer qu’il avait encore pas mal de possibilités dans sa palette graphique, et que le président commençait à se désespérer que le lecteur puisse en profiter un jour ou l’autre. Dufaux conclut en disant qu’il avait peur que ce temps vienne un jour et qu’en même temps, il craignait qu’il ne vinsse jamais.
Était-on encore dans l’humour ou plutôt dans « l’asticotage » entre les deux auteurs ? Quoiqu’il en soit, c’est un Dany très souriant qui monta sur scène, même si l’on aurait donné cher pour savoir quelles paroles il glissa rapidement à l’oreille de Dufaux en l’embrassant. Dany rapporta au public ce mot suggéré par l’une de ses connaissances : « On pourra bientôt dire que j’ai reçu plus de prix que je n’ai fait d’albums ! » Il n’en décocha pas moins quelques flèches au cours son discours : « On pourra se demander pourquoi j’ai reçu ce prix de la part de ce jury composé de personnes que j’aime et qui sont d’ailleurs des amis. Cela pourrait faire penser à du copinage ? C’est que nous sommes à Ottignies-Louvain-la-Neuve, et pas au bord de la Charente ! »
Après cette cérémonie se terminant dans une ambiance de cirque, les acteurs-présentateurs vinrent entourer le lauréat, déguisés en personnages de ses séries pour une photo mémorable. C’est dans un début de farandole où le public fut convié à se joindre que se clôtura la fête. En mesurant l’énergie, la volonté et l’humour qui ont prévalu à sa réalisation, on en vient à conclure que la Belgique vient (enfin) de se trouver une manifestation digne de sa place dans le neuvième art.
(par Nicolas Anspach)
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Voir l’article sur "Les Prix Diagonale 2010".
Photos : (c) Nicolas Anspach
[1] Ndlr : Midam qui a reçu le prix en 2009 a démissionné du jury.
Participez à la discussion