Joanna Journo et sa galerie "Un Jour, une illustration"

Pourquoi avoir lancé « Un jour, un Sempé » en 2020 ?

J’ai créé le compte Instagram un peu par hasard… Ma passion pour Sempé est née de façon fulgurante, le jour où j’ai découvert ses recueils de dessins d’humour « Quelques… » aux éditions Denoël, à la caisse de ma librairie de quartier dans le 20e arrondissement de Paris. C’était il y a 7-8 ans. Les titres de ses livres, les légendes, le trait, les scènes, les personnages, les décors… tout me plaisait !

Début septembre 2020, j’ai alors eu l’idée de créer un rendez-vous quotidien avec une belle image, un dessin d’humour, quelque chose qui fasse sourire instantanément, dans une période plutôt morose rythmée par les confinements. Puis, Sempé est à mes yeux le seul dessinateur capable de dessiner avec tant de justesse le meilleur et le pire de l’être humain, sans jamais porter de jugement.

Est-ce la réaction enthousiaste du public qui vous a poussée à aller plus loin dans cette démarche ?

En créant ce compte, mon seul objectif était de rassembler une communauté de passionnés du travail de Sempé, une sorte d’immersion quotidienne et brève dans son univers si singulier et réconfortant chaque matin. Une bulle de poésie et de légèreté avant de démarrer nos journées bien remplies. J’échangeais jusqu’à trois heures par jour avec certains abonnés pour leur proposer de rendre visite à la galerie de Sempé à Paris ou conseiller tel ou tel livre en fonction de leurs goûts et demandes particulières, c’était passionnant !

Le compte a fermé, et je le conçois tout à fait, pour des questions de droit (ce que j’ignorais totalement à cette époque). Intuitivement, spontanément et portée par cette communauté bienveillante, j’ai alors décidé de créer le jour même de la fermeture, un nouveau compte intitulé « Un jour, une illustration ». Pour partager mes coups de cœur, mes découvertes et des artistes dont j’admire le travail qu’il s’agisse de dessinateurs d’hier ou d’aujourd’hui.

Pourquoi avoir eu l’idée d’ouvrir une galerie plus spécifiquement dévolue à l’illustration ?

Le hasard des rencontres extraordinaires, ainsi que l’enchainement de choses inattendues et joyeuses m’ont conduite à ouvrir ma galerie, sur le tas, avec une programmation de plus de 6-7 expos au moment de l’ouverture.

Avec un peu de recul, depuis l’ouverture de la galerie en septembre 2022, je m’aperçois que le retour des visiteurs est souvent le même : il y a peu de lieux à Paris et ailleurs dédiés exclusivement à l’illustration. Je rêve qu’il y ait d’autres lieux qui ouvrent pour répondre à cette demande grandissante. Et il y a tellement d’artistes talentueux… il y a de quoi faire !

"La Deuche" par Petites Luxures

Vous mêlez les générations, sans a priori. Est-ce une volonté de rappeler quels sont les maîtres de l’illustration tout en invitant à découvrir de nouveaux talents ?

J’ai une passion pour les dessins d’humour, l’illustration, le dessin de presse (années 1950 surtout), l’animation et le dessin de mode. Je suis heureuse de présenter au sein de la même galerie Peynet, avec une sélection de ses dessins et gouaches réalisées dans les années 1950-1960, les dessins identifiables entre mille de Grégoire Solotareff, l’univers extraordinaire et incontournable de Peter de Sève, tout en mettant en avant le travail des jeunes talents comme Alexis Bruchon, Madeleine de Chanterac, Petites Luxures… que j’ai découverts grâce à la magie des réseaux sociaux, totalement par hasard.

J’aime aussi présenter des artistes internationaux comme Jane Massey, illustratrice jeunesse anglaise dont l’univers me touche particulièrement, ou encore Luis Mendo (exposition Bonjour Paris en février 2024), le créateur du logo de la galerie et passionné du travail de Sempé comme moi.

Jane Massey

Comment définir la ligne de votre galerie ?

Ma programmation est assez éclectique : dessins d’intimité avec Petites Luxures, illustration avec Alexis Bruchon, illustration jeunesse avec Grégoire Solotareff, Jane Massey, Madeleine de Chanterac, Clément Devaux, dessins libres avec Peter de Sève. Elle est en réalité guidée par mes goûts et mes rencontres.

Je ne fonctionne qu’au coup de cœur, et je suis capable de créer de la place au programme déjà bien chargé lorsque la découverte est immense, comme c’était le cas l’année dernière avec Guillaume Chansarel qui réalise des dessins fabuleux d’architecture et de ville, avec une technique bien à lui.

Alexis Bruchon

Quels seront vos prochaines expositions ?

Ma galerie déménage à deux pas du Carreau du Temple fin avril ! Deux étages d’exposition et de présentation de ma collection de tirages en édition limitée. L’exposition d’inauguration démarrera le samedi 27 avril et sera consacrée à l’illustration jeunesse avec une exposition programmée de longue date (Jane Massey) et une expo-surprise de Madeleine de Chanterac, une véritable découverte.

L’exposition suivante intitulée « Paris est une fête » démarrera le vendredi 21 juin. Elle réunira en un seul et même lieu plus de 40 artistes internationaux tels que Peter de Sève, John Cunéo, Riccardo Guasco, Alexis Bruchon, Petites Luxures, Alfred, Peynet, Matthieu Forichon, Luis Mendo, etc. Je suis fascinée par les expositions collectives : une thématique, et autant de façons de l’exprimer et de la traduire dans un langage graphique propre à chaque artiste.

Les expositions de la rentrée seront consacrées à Alexis Bruchon, après sa belle exposition en février 2024 à la galerie Philippe Labaune à New York, pour finir en beauté avec une exposition du travail de Peter de Sève, réunissant une centaine de dessins jamais édités. Un livre sera d’ailleurs édité pour l’occasion avec les éditions Huginn et Muminn.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.

L’affiche de "Paris est une fête"