Jeunesse

Martine souffle ses 70 bougies

Par Bérengère HALLIER le 26 mars 2024                      Lien  
Née en 1954, l’héroïne de Marcel Marlier et Gilbert Delahaye continue d’enchanter des millions de lecteurs à travers le monde. Loin d’être une figure figée de la littérature jeunesse, la série Martine, fleuron de la maison Casterman aux côtés de Tintin, conserve aujourd’hui son perpétuel dynamisme avec la sortie de deux nouveaux ouvrages.

Certains ont pu lui reprocher d’être trop genrée, trop mièvre, trop bourgeoise, trop portée sur la société de consommation… Martine, héroïne galvaudée ? C’est mal la connaître.

On ne saurait nier que son univers est un peu lisse mais au fond n’est-ce pas précisément cette bienveillance bonne enfant, rassurante et positive que recherche le lecteur du XXIe siècle ? Les parents savent qu’ils peuvent en acheter un album les yeux fermés et les enfants adorent Martine, son autonomie, sa curiosité et ses joies simples ancrées dans un quotidien idyllique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 400 000 exemplaires sont vendus chaque année… Vertigineux !

Martine souffle ses 70 bougies
© Delahaye / Marlier / Casterman

À l’inverse de sa « rivale » Caroline (70 ans, elle aussi !) et de son éternelle salopette rouge, Martine assume son petit côté coquette et prend un malin plaisir à réinventer sa garde-robe, sa coupe de cheveux et même son style graphique, en suivant les évolutions de la mode au fil des années. Bonnet, veste, col claudine, tout est soigneusement assorti et on reconnaît là tout le génie de l’illustrateur Marcel Marlier. Les couleurs se répondent toujours de manière harmonieuse et chaque composition a été peaufinée au millimètre près après de nombreux croquis et études.

© Delahaye / Marlier / Casterman

Marlier est un académique qui ne croit en rien tant qu’au dessin d’après observation. Il se rend sur les chantiers navals, s’incruste dans les sorties scolaires et observe la vie autour de lui. Le cockpit de Martine en avion (1964) est dessiné avec une précision chirurgicale. C’est ce savant mélange de réalisme et de stylisation qui fait de Martine une série à part. Les enfants ont les yeux brillants comme des billes de verre. Les animaux ont la candeur du bestiaire Disney. Les malles de greniers sont toujours pleines de trésors.

© Delahaye / Marlier / Casterman

Pour maintenir une dynamique éditoriale depuis le décès de son créateur en 2011, la série a fait l’objet d’un relifting graphique et éditorial : nouvelle direction artistique des couvertures - plus contemporaine et un poil plus girly - mais aussi réécriture des textes : modernisation des prénoms, du vocabulaire et des situations quitte à changer parfois certains propos jugés trop datés. Exit Martine petite maman, place à Martine garde son petit frère.

La démarche, si elle part d’une bonne intention, n’en demeure pas moins critiquable… La série ne tire-t-elle pas une partie de son charme de cette ambiance légèrement surannée comme tant d’autres séries avant elle (L’espiègle Lili, Bibiche, les « Bibliothèque rose » …) ? Elle porte dans son titre même cet ancrage au passé : le temps où Martine était l’un des prénoms les plus donnés aux petites filles semble bien lointain…

© Delahaye / Marlier / Casterman

Les puristes pourront se rabattre sur de belles rééditions fac-similées des titres en version originale. Saluons la démarche d’un éditeur qui n’enferme pas et qui laisse au lecteur le choix selon sa sensibilité.

© Delahaye / Marlier / Casterman

Après une série télévisée, des jeux vidéo, des posters, des recueils thématiques et divers produits dérivés, Martine a repris du service : de nouveaux titres sont sortis hors collection dans un positionnement assez touristique. L’héroïne visite le Louvre, le château de Versailles, la Bretagne et dans le nouvel album, Paris.

Elle s’est même aventurée du côté des grands magasins dans le controversé Martine aux Galeries Lafayette (2022). Certains se sont offusqués : Martine, vulgaire femme-sandwich ? C’est oublier que bien des héros l’ont fait avant elle sans que personne n’y trouve à redire : Tintin, Astérix, Johan et Pirlouit... Hergé avait même fondé son propre studio publicitaire ! Un usage publicitaire de Martine n’est-il pas au contraire une consécration ? La preuve qu’elle fait partie de ce petit cercle d’influenceurs qui tient une place à part dans le cœur des enfants ? Qui peut se targuer d’une telle popularité après des décennies d’existence ?

© Delahaye / Marlier / Casterman

Marcel Marlier ne souhaitait pas que son œuvre soit poursuivie par un autre auteur après sa mort. Les nouveaux titres sont donc réalisés avec d’astucieux photomontages mêlant d’anciennes illustrations à des photographies. Le résultat peut faire un peu bricolé et n’a sans doute pas le charme d’un authentique Martine. Les titres n’en demeurent pas moins plaisants ; il faut voir ça comme un axe narratif différent. Et force est de constater que cela réussit plutôt bien du côté des ventes : Martine au Louvre s’est ainsi écoulé à 66 000 exemplaires !

© Boudart / Delahaye / Marlier / Casterman

Pour les plus grands n’ayant pas oublié leur âme d’enfant, Casterman publie également un beau livre hommage : Martine L’éternelle jeunesse d’une icône. Richement illustré d’images inédites ou tirées des albums, il revient sur l’histoire et les raisons du succès de la petite brunette et exhume quelques anecdotes tendres ou cocasses. Saviez-vous par exemple qu’une des toutes premières chansons d’Angèle est dédiée à Martine ? Si, si, on vous assure ! La preuve en images !

Voir en ligne : Rétrospective Martine à la Galerie Gallimard (Paris) et chez Artcurial

(par Bérengère HALLIER)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782203252141

Martine à Paris - D’après Gilbert Delahaye et Marcel Marlier - Ed. Casterman
Martine L’éternelle jeunesse d’une icône - Par Laurence Boudart - Ed. Casterman

Casterman ✏️ Marcel Marlier tout public Jeunesse Belgique
 
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6 Messages :
  • Caroline c’était tellement mieux ! Plus moderne dans l’esprit, dans l’humour, dans la représentation féminine mais surtout dans le dessin et dans les couleurs. Mais hélas, ce duel à distance, c’est Marcel Marlier qui l’a gagné et non pas le génial Pierre Probst. Il n’y qu’à voir les images générées par les IA aujourd’hui. La machine est nourrie par l’esthétique qui a su faire nombre, mais elle n’a pas non goût. Les images de Midjourney et des autres doivent beaucoup plus aux chromos kitschissimes pour boîte de chocolats de Martine qu’au dynamisme épuré et coloré de Caroline.

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    • Répondu le 26 mars à  23:03 :

      La machine n’a pas bon goût, vous vouliez dire. Pour le reste, vous avez raison.

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  • Martine souffle ses 70 bougies
    26 mars 15:42, par Seb

    Depuis 2011 on a donc Martine pour les teubés... Heureusement qu’ils reproposent les albums d’origine, les gamins étendront encore un peu leur vocabulaire grâce à ces albums !

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  • C’est chez Casterman mais ça n’a jamais été de la BD, Martine.

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    • Répondu par caunière le 7 avril à  10:26 :

      Il faut comprendre qu’avec la génération ”Martine ” , c’est un magnifique dessin qui a sa touche de pédagogie ludique qui réunit plaisir de lire et culture sur différents moments qui présentent bien la vie liés grâce à une petite fille qui apprend, animaux, lieux, instants de l’évolution d’une adolescente 🤗

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  • Martine souffle ses 70 bougies
    27 mars 18:55, par Gina Vanilla

    Les amis ! autant je n’aime pas Martine, autant je garde un excellent souvenir de Caro !
    Sans doute la fille des années soixante-70, elle portait une salopette rouge ! J’en avais demandé une à mes parents ! Et je me coiffais en couettes pour lui ressembler ! hihihi !°)

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