N’attendez pas avec cette somme magnifiquement illustrée un livre d’historien : sans en chercher, nous avons remarqué çà et là quelques petites erreurs factuelles. Mais en revanche, je ne connais pas de somme aussi conséquente et aussi renseignée sur l’histoire de la collection de la bande dessinée et sur la reconnaissance de la bande dessinée comme art. Le tout doté d’une iconographie à couper le souffle. Quand il s’appuie sur des documents de première main, François Deneyer n’a pas son pareil pour vous raconter le parcours incroyable de la bande dessinée ces soixante dernières années d’un genre littéraire méprisé immédiatement consommable et jetable au statut d’œuvre d’art contemporain faisant des prix en vente publique qui rivalise avec les dessins signés par quelques-uns des plus grands peintres du XIXe siècle par exemple.
Deneyer nous offre un vade mecum du collectionneur de planches arpentant tous les aspects de cette passion : la création, l’auteur, les prix, les marchands, les galeries, les ventes publiques, les collectionneurs. À cela s’ajoute des conseils pour acheter « juste » et surtout les interviews d’une douzaine de collectionneurs qui racontent leurs débuts, à un moment où les planches ne valaient rien (l’un d’entre eux raconte comment il a reçu des planches d’Hergé, de Franquin, de Macherot et d’autres sans même débourser un fifrelin !) mais surtout leur rencontre avec des auteurs, les premiers à partager leur passion avec ces super-connaisseurs de leur art.
Car à l’heure où la bande dessinée est devenue affaire de spéculation, de plus-value, de cotes mirifiques, il est bon de rappeler que les meilleurs conservateurs du patrimoine restent les collectionneurs. Les musées, en effet, sont limités dans leurs acquisitions, en raison des restrictions budgétaires chaque année plus drastiques. Certains collectionneurs en revanche, grâce à leur fortune ou tout simplement grâce à leur habileté à acheter des auteurs au bon moment, peuvent assouvir leur formidable passion tout en préservant les œuvres, et quelquefois la part d’histoire qui y est attachée, à travers des générations.
Ce sont ceux-là, il ne faut pas l’oublier, qui à travers la constitution de clubs dans les années 1960, à l’imitation des ciné-clubs des années 1920, ont forgé la notion même de « 9e art » et organisé les premières expositions, les premiers festivals qui ont permis sa reconnaissance. François Deneyer raconte l’histoire de ces pionniers et c’est sacrément passionnant !
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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