S’il y a bien une qualité qui caractérise François Bourgeon, c’est la probité. Pour lui, il ne fait aucun doute que son album sera bon car il a durement travaillé pour qu’il le soit. Nous l’avons accompagné sur le marbre de l’imprimerie Lesaffre, à Tournai, en Belgique, au moment où roulaient les 280.000 exemplaires de tirage de son album francophone. La Heidelberg de l’imprimeur tourne à plein régime. Bourgeon ne tient pas en place. Il examine les couleurs, vérifie que les densités correspondent à son attente, interroge le conducteur de la machine.
Le patron de l’imprimerie le bichonne, lui propose un café. Pour cet amateur de bande dessinée, Bourgeon, c’est la star absolue ! Les feuilles arrivent en rythme régulier et s’empilent sur les palettes. Au bout de la matinée, Bourgeon s’estime satisfait. C’est du beau travail ! En effet, les couleurs scintillent, les paysages de la Nouvelle Orléans se révèlent, tout en lumières subtiles.
Les Passagers du vent ont été l’incontestable phénomène éditorial de l’année 1980. Bourgeon fait partie de cette génération d’auteurs qui a fait ses débuts chez Fleurus Presse, comme Juillard ou Dermaud, et qu’Henri Filippini a l’intelligence d’amener chez le jeune éditeur Glénat avec du matériel prépublié dans Djinn ou Formule 1. Devant le succès relatif de ces titres, Glénat accepte de publier de nouvelles séries inédites. Il n’est pas très emballé par cette « nouvelle histoire de pirates », un thème plus vraiment à la mode. Filippini insiste et l’histoire finit par passer dans Circus en 1979, il y a tout juste 30 ans.
L’album devant paraître pour Angoulême n’est pas encore prêt. L’attaché de presse de Glénat, un certain Jean Léturgie ne se laisse pas démonter, assemble des épreuves couleurs issues des pages de Circus et arrose le jury avec ses dossiers. C’est le coup de cœur. Sur la base de cette « maquette », Bourgeon reçoit le « Prix du meilleur album » à Angoulême 1980 ! Depuis, Bourgeon a raflé trois fois le « Prix du public » et sa série compte des millions d’exemplaires vendus, atteignant, dans les premières années, plus de 600.000 exemplaires à la nouveauté !
Le style de Bourgeon donne l’impression de n’être d’aucune école. Il n’appartient qu’à lui : « J’étais un lecteur de bande dessinée moyen, comme la plupart des mômes de ma génération, je lisais Tintin et Spirou, mais je n’étais pas un fanatique de bande dessinée. Je ne faisais pas partie des gens qui recopiaient le modèle de leur maître. Quand j’ai commencé dans le métier, je n’ai pas eu l’idée de copier sur un tel ou un tel. J’ai essayé d’appliquer le dessin académique que j’avais appris dans les ateliers d’art, de forger ma propre grammaire de dessin. J’ai perdu beaucoup de temps mais j’ai développé un style peut-être plus atypique et plus personnel. »
Ce nouveau cycle des Passagers du vent se développe comme une spin-off. Il permet surtout de comprendre certains ressorts des albums précédents. Une fois de plus, la maîtrise est au rendez-vous, L’homme sait où il va et ce qu’il raconte. Le lecteur est entre de bonnes mains : il n’a jamais trahi sa confiance.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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