Après le crossover Avengers vs. X-Men (2012), l’éditeur Marvel a décidé d’échanger les équipes créatrices à la tête de ses séries. Charge à Rick Remender (Uncanny X-Force) et à John Romita Jr. de présider à la destinée en solitaire de Cap.
Pour ainsi dire, c’est deux destins qui se croisent alors : Remender est en pleine ascension (son très bon travail sur Uncanny X-Force a été remarqué et il s’est vu confier aussi les rênes de Uncanny Avengers, série où sont réunis des Avengers et des X-Men) tandis que John Romita Jr. est de plus en plus critiqué sur la réalisation de ses planches (notamment dans Avengers vs. X-Men). D’ailleurs, cette série marque rétrospectivement le dernier travail en date du célèbre dessinateur pour Marvel avant qu’il ne s’envole retrouver Superman chez DC Comics...
Cette nouvelle série de Captain America s’ouvre sur un postulat très inhabituel après une bonne décennie de récits d’espionnage sous la direction d’Ed Brubaker. Ainsi, Remender souhaite découvrir de nouvelles perspectives avec Steve Rogers en le projetant dans une pure et dure histoire de science-fiction...
Le choc de la découverte est violent. Les codes habituels sont très vite effacés et remplacés par des univers ou des créatures que n’auraient pas forcément reniées des récits de science-fiction des années 1960-1970 : Captain America, enquêtant sur de mystérieuses disparitions dans le métro new-yorkais, se retrouve sans le vouloir projeté dans la Dimension Z, dirigée par le dangereux généticien Arnim Zola. Torturé par l’un de ses ennemis mortels et sans issue de secours, Steve va devoir apprendre à survivre dans un univers étrange et inhospitalier.
À la question de la survie va très vite s’ajouter la question de la responsabilité. Steve s’enfuit de l’antre de Zola en sauvant un nourrisson que détenait le généticien, probablement pour ses expériences sur le genre humain. Ne pouvant rentrer sur Terre, Steve n’a pas d’autre solution que de s’occuper de l’enfant et de le voir grandir. Comme un fils.
Voilà bien un développement étonnant : mettre sur la table une potentielle paternité pour Captain America. Si le projet peut paraître prometteur, il n’empêche que Remender ne le traite pas en profondeur : on reste bien souvent dans la contemplation sans afficher à un moment ou un autre des sentiments forts entre le protecteur et son protégé. Dommage.
En revanche, Remender se révèle plus efficace en racontant sa vision de l’enfance du personnage pour donner du relief aux événements présents. En effet, le scénariste dépeint une situation très critique dans les années 1920-1930 pour le jeune Steve, qui a un père alcoolique et au chômage, ainsi qu’une furieuse prédisposition à attirer l’inimitié des petites frappes juvéniles de Manhattan. La force de caractère de Steve, insufflée par sa mère, ainsi que ses faiblesses ponctuelles, font leur effet et permettent au personnage de gagner en sympathie auprès du lecteur.
En noircissant quelque peu le trait, on pourrait dire que ce premier tome de Captain America est décevant : l’action expéditive y prend le pas sur des essais qui mériteraient d’être transformés (le choix de la science-fiction, la « paternité » de Captain America) et le trait de Romita Jr. ne parvient pas à soutenir le récit de manière décisive. Peut-être que le prochain tome viendra donner un souffle plus prononcé aux intentions de Remender vis-à-vis de ce personnage.
(par Romuald LEFEBVRE)
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