Cette BD raconte la jeunesse de ce fils de militaire, sa première incorporation en Indochine. Libéré de l’armée, on le retrouve très vite en prison pour avoir participé à un calamiteux complot pour assassiner Pierre Mendès-France. Après cela, il fait tout un parcours comme mercenaire au Yémen, en Iran, au Nigeria, au Bénin, au Gabon (où il est instructeur de la garde présidentielle), en Angola en 1975, au Cabinda en 1976, au Zaïre et aux Comores à la fin où il devient l’homme fort du régime. Certains lui attribuent un rôle dans le génocide des Tutsis au Rwanda. Une crapule, quoi.
Cet album est quasiment un manuel de géopolitique pratique. C’est Le Prince de Machiavel version Rambo. « On ne peut régner innocemment. Tout roi est un rebelle et un conspirateur » disait Saint-Just. C’est vrai. Derrière ces méfaits, il y a la politique, la grande : la Françafrique, la décolonisation avec ses arrière-pensées néocoloniales, ses intérêts d’argent, la concurrence entre les grandes puissances et la nécessité parfois d’opérer secrètement quand on ne peut pas faire les choses au grand jour. Le sale boulot. Et ne soyons pas hypocrites, toutes les nations du monde ont recours à ce genre de pratiques, ce qui ne les justifie pas pour autant.
Donc, il y a l’aspect documentaire. Mais le traitement ici est franchement subtil. Il y a d’abord le dessin de Lilas Cognet, un peu esthétisant, joli même, avec des couleurs douces et des images charmantes, ce qui décale un peu par rapport au sujet. Et puis il y a le scénario réellement intelligent d’Olivier Jouvray qui arrive à montrer tout le caractère grotesque de cette figure tragique.
Ainsi embrasse-t-il la religion -juive- de sa première femme au Maroc. Mais après, il se convertit à l’islam aux Comores, puis redevient catholique avec, pour finir, des funérailles à l’église. Rien de glorieux, on le voit. En religion aussi, c’était un mercenaire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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