Envoyés à Barcelone pour couvrir les Olympiades populaires, contre-manifestation sportive protestant contre les JO de Berlin qui se tenaient au même moment en 1936, Hans Namuth 21 et Georg Reisner 24 ans, photographes allemands, ne pensent pas couvrir autre chose que cette réponse pacifiste et antifasciste à ces Jeux Olympiques orchestrés pour promouvoir le régime Nazi. Cependant, à leur arrivée, l’armée nationaliste menée par le général Franco se soulève contre la République espagnole...
Les deux jeunes journalistes s’efforcent alors de documenter au mieux cette guerre civile. Ballottés sur les différents fronts de l’armée républicaine, les deux Allemands pointent dans leurs viseurs tout ce qui doit être représenté pour informer l’Europe.
Dans cet album, on retrouve l’essence de ce qui avait été fait dans la collection Magnum : un photographe, un événement.
En effet, l’album s’appelle Photographes de guerre et se concentre principalement sur le reportage de Namuth et Reisner en Espagne et sur son histoire politique. Bien qu’un épilogue permette de suivre la fin de vie de ces deux Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, sachant que l’un était juif et l’autre homosexuel. Ce processus peut laisser la porte ouverte à une nouvelle collection de BD sur les photographes chez Albin Michel. Affaire à suivre ?
L’album permet aussi de montrer la difficulté rencontrées sur le front par les journalistes. La plus évidente : le risque physique, mais aussi, la censure et les conditions de travail qui recèlent déjà des questionnements sur la force et le poids des images.
Un point reste frustrant pour ne pas dire troublant dans cette BD : bien que les archives existent et que de nombreuses photos de Namuth et Reisner sont publiées, aucune n’apparait dans l’album. Contrairement à la collection Magnum ou dans Le Photographe d’Emmanuel Guibert, Didier Lefèvre et Frédéric Lemercier (Dupuis) qui contextualisaient les photos par le dessin, Photographes de guerre prend le parti de ne publier aucun cliché.
Malgré tout, de nombreuses situations s’y prêtent : pose des photographes au moment de prendre le cliché, Une de journaux, etc… Aucun cahier de fin non plus ne permet de profiter des images produites par Namuth et Reisner durant la période traitée.
Seuls clichés publiés dans la BD : celles d’un soldat fauché par une rafale de balle. Des photos puissantes de l’époque appartenant à... Robert Capa !
Cette absence est compensée par l’idée de mise en scène : le dessinateur Titwane s’absout du gaufrier classique avec des cases bénéficiant d’un sobre rehaut à l’aquarelle. Hormis la qualité du trait et de la maitrise de la couleur, ce séquençage fait écho à un enchaînement de souvenirs brumeux se chamboulant dans l’esprit telles de vieilles photos de guerre retrouvées au fond d’une boîte aux souvenirs, et dont on aurait oublié le contexte.
(par Kelian NGUYEN)
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Photographes de guerre, Hans Namuth et Georg Reisner - 1936-1940 - Par Raynal Pellicier & Titwane - Ed. Albin Michel
Album en sélection pour le prix de la BD de reportage France Info.