Cette série de one-shots devait sembler bien particulière à la sortie de son premier tome en 2016 : chaque album indépendant des autres est axé sur... l’histoire d’un tank de la Seconde Guerre mondiale, sans aucun personnage central récurrent. Un avion, à la rigueur... les lecteurs sont férus de belles planches aériennes. Mais un tank ? Qui cela pourrait-il intéresser ?
C’était sans compter sur le talent de Jean-Pierre Pécau, qui n’a pas son pareil pour faire revivre l’Histoire par de passionnants reconstitutions, ainsi que nous le racontions encore cette semaine avec le tournage de King Kong. Dans le cas qui nous occupe, il ne s’appuie pas uniquement sur le contexte des conflits et les performances de ces redoutables machines, mais il rajoute à chaque fois un ingrédient différent qui permet à son récit de se démarquer. Ainsi la place des femmes conductrices de char au sein de l’Union soviétique, comme c’était le cas dans le précédent Étoile de Koursk.
Le scénariste hyperactif réutilise d’ailleurs cette astuce dans ce Loup gris. Mais là où il fait à nouveau preuve d’innovation, c’est en utilisant une forme d’uchronie qui met en scène ce qui est certainement le plus énorme char d’assaut jamais construit par l’homme.
Pourquoi une uchronie (le récit se déroule en 1947 sur le Front de l’Est, confrontant l’Allemagne à l’URSS) ? Car le terrifiant Panzerkampfwagen VIII Maus (la souris), n’a pour ainsi dire jamais été mis en service. Ce monstre de 188 tonnes fut produit à seulement deux exemplaires ! Mais cette uchronie permet d’imaginer les avantages et les désavantages de sa potentielle utilisation si les Allemands étaient parvenus à le produire en série.
Pécau et son dessinateur Mavric mettent donc en scène ce combat entre ce monstre d’acier d’un côté et une jeune conductrice de char russe de l’autre. Cette dernière est aussi obstinée qu’obnubilée par le Maus. C’est la seule rescapée de son unité à l’avoir distinctement vue. Dès lors, elle n’aura de cesse de vouloir l’affronter pour le détruire, quitte à violer les règles et la procédure si c’est nécessaire.
Ce leitmotiv donne une parfait dynamique au récit : on ne s’ennuie pas une seconde, même lorsque nos auteurs font rouler "discrètement" un char dans un village endormi... en oubliant presque l’assourdissant bruit de son moteur. Qu’importe ! Les surprises se succèdent, passant des avancées technologiques comme la vision nocturne, à d’autres modèles de char qui sont tout aussi inconnus. Le tout permettant de mettre en avant le courage de tankistes de tout bord, et la terreur ressentie face à ces monstres d’acier.
Le découpage aéré de Pécau permet de déployer parfaitement les grands dessins de Mavric, avec ces forêts ukrainiennes et ces villages qui font les frais de ce combat de titans. Un très bon récit, complété une fois de plus par un dossier technique de huit pages didactiques qui permettent d’en savoir plus sur le monstre teuton.
La réussite de cette collection a dû donner des idées à la concurrence, car dans quelques semaines, Glénat se lancera dans une nouvelle série dédiée aux combats de char, dans la foulée de sa collection des Grandes Batailles navales. Nous ne manquerons bien entendu pas de vous en parler !
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Le Loup gris - par Pécau, Mavric & Verney - Delcourt.
Dans la même collection Machines de guerre, lire :
Cette machine tue les fascistes
Krieg Machine, l’épopée du "Char Tigre"
Dream Team : le tank Sherman en action
"L’Étoile de Koursk" : femmes dans les tanks
Illustrations : © Éditions Delcourt, 2022 —Pécau, Mavric