Cette exposition était prête l’année dernière, et puis tout a été arrêté en raison de la crise sanitaire. Comment cela s’est passé ? Pouvez vous nous en dire plus ?
Philippe Geluck. Ce qui se passe dans ma tête et dans mon cœur à ce moment là est indescriptible : on était prêts, nous avions lancé les invitations pour le mois d’avril et là, on apprend que tout va fermer, que tout le monde est confiné et qu’il est impossible de se déplacer. Je me suis dit que nous étions face à quelque chose qui nous dépassait totalement. En conséquence, je ne vais pas, moi, me plaindre de mon sort et de mon petit problème. Ce serait très inopportun au moment où plusieurs milliards de personnes à travers la planète sont dans l’angoisse, la maladie, la précarité, la désespérance... J’ai simplement fermé ma gueule, et j’ai dit qu’on le fera plus tard. J’en ai profité pour transformer cette période en une opportunité fantastique pour travailler et pour peindre.
L’exposition à la galerie Huberty Breyne n’était donc pas prévue ?
Si, cette exposition était prévu de longue date. Mais je n’aurai pas été prêt avec autant de choses nouvelles l’année dernière. La plupart des toiles exposées ont été élaborées en 2020 et 2021. J’avais du temps pour faire des choses que je ne fais pas assez habituellement.
La mairie de Paris a été très emphatique. Ils ont dit que ce n’était pas une annulation mais bien un report. L’exposition est désormais installée, et quoi qu’il advienne, elle est là jusqu’au 9 juin.
J’aimerais rappeler que cette exposition ne coûte pas un centime, ni à la mairie de Paris, ni au contribuable français. Seize des statues ont été vendues avant même d’avoir été vues.
Vous avez un rapport très fusionnel à l’art et à l’histoire de l’art, est ce que vous pourriez préciser ce rapport à travers le prisme de la sculpture ?
Ce rapport à l’art s’est d’abord installé dans mes tableaux. J’ai voulu rendre hommage à Léonard De Vinci, à Vasarely, à Pollock… J’ai beaucoup de choses à dire à mes confrères du passé. Évidement dans mon travail sculpté, le même principe s’installe. La première sculpture du Chat que je réalise en 2003, c’est Le Discobole en hommage à Myron. Il deviendra le symbole de l’exposition à L’École des beaux-arts et il est présent ici dans un format monumental.
Je rends ensuite hommage à Rodin, avec mon Parleur, mais aussi à Botero, avec mon danseur. J’étais en Normandie chez mon ami Laurent Ruquier quand il m’a dit qu’il adorerait avoir la danseuse de Botero dans son jardin, je l’ai pris au mot. Une autre est une interprétation du Martyre de Saint Sébastien, qui rend évidemment hommage à mes confrères assassinés. Il y a aussi l’auto écrasée, le juste retour des choses, un salut à César. Il y a beaucoup de citations...
Vous êtes dans un dialogue permanent en fait ?
Oui, un dialogue à une voix puisqu’ils ne me répondent plus. Mais dans un sens non, car Rodin me parle, Vermeer me parle, tous ils me parlent à travers les siècles. Je me dis, quand je suis devant leurs œuvres, qu’ils me parlent à moi Philippe. Quand je réalise un dessin ou une sculpture, je parle à chaque personne qui se retrouve devant mon travail. Je me réjouis à l’idée que les gens rigolent ensemble devant une statue du chat. Le dialogue que j’opère avec les gens qui sont là, je le fais virtuellement avec les artistes du passé, et les gens présents comme Soulages par exemple.
Souvent dans la statuaire grecque comme dans celle de la renaissance, les statues étaient déformées afin que le spectateur qui regarde la sculpture d’en bas, visualise l’œuvre dans de justes proportions. Avez vous pensé à cela pendant la conception ?
(Petit silence). Je réponds peu aux canons de la statuaire classique, sinon dans le côté boulet du Chat (canon-boulet...). J’avoue que je n’y ai pas pensé. Mais bon, en revanche, les sculpteurs grecs, et même Michel-Ange, n’avaient pas pensé non plus qu’on allait faire des reproductions de leurs œuvres en petit format, en cadeaux-souvenirs. Ils ont l’air cons maintenant !
La BD est-elle un art contemporain ?
Certains le considèrent.. D’autres, les tenants de la vérité, ceux qui ont décrété que tel ou tel artiste ne méritait que le mépris, pas vraiment. Ce fut le cas pour Rodin à ses débuts, et pour de nombreux artistes. Mais on s’en fout, finalement. M oi je fais mon truc, chacun décide ce qu’il veut ensuite. La seule chose qui me ferait plaisir, un jour, c’est que l’on me reconnaisse comme chef de file de « l’art rigolo ». C’est une branche des beaux-arts qui est peu considérée, je trouve, et moi j’aime quand on rit devant un tableau, plutôt que de le regarder en ayant l’air de s’ennuyer mortellement !
Propos recueillis par Didier Pasamonik et François Rissel.
(par François RISSEL)
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"Le Chat déambule" - Exposition sur les Champs-Élysées du 26 mars (inauguration à 11 heures) au 9 juin 2021.
"Le Chat à Matignon" - Huberty & Breyne Gallery - 36 avenue de Matignon - 75008 Paris - Du 26 mars au 5 juin 2021 - LE SITE INTERNET DE LA GALERIE
À lire sur Actuabd.com :
Notre reportage sur les scultptures monumentales du Chat de Geluck sur les Champs Élysées
Photos : Didier Pasamonik et François Rissel / ActuaBD
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