Dans ce T3 de Zombillénium, on découvre un peu plus le personnage de Gretchen, qui semble prendre l’ascendant sur le quatuor de tête (Gretchen, Aurélien, Sirius et Francis) que vous aviez développé. À travers elle, votre série prend de plus en plus l’accent d’un drame familial qui semble avoir une importance centrale dans l’histoire du parc. Quelles sont les motivations réelles de votre héroïne ?
Arthur De Pins : Effectivement, après avoir fait de Gretchen un second rôle dans le tome 2, elle reprend la tête du peloton en déballant plein de choses. On apprend qu’elle a embauché Aurélien et qu’elle veut renverser son père. En ce sens, elle est très proche du personnage de Lisbeth Salander de Millenium (boudeuse, attachante, hostile à l’autorité, dotée d’un pouvoir immense mais aussi de ses propres valeurs et... ayant envie de buter son père). J’ai toujours assumé cette emprunt à l’héroïne de Stieg Larsson. Jusque dans le titre de ma série, d’ailleurs.
Dans ce tome, vous introduisez le personnage de Jaggar, un personnage aux dents longues (si je puis dire) qui prend la direction du parc au détriment de Francis et veut en changer les règles. L’opposition entre anciens et modernes est un ressort scénaristique souvent utilisé. Néanmoins, est-il facile de se renouveler et d’apporter de nouvelles idées ?
Le conflit Francis-Jaggar est directement inspiré d’une histoire qui m’avait beaucoup marqué étant adolescent : mon père, directeur d’une petite filiale de BTP avait été licencié au profit d’un “Jeune loup” sans scrupule, au simple motif que sa gestion du personnel était jugée “trop humaine”. Le personnage de Francis est directement inspiré de mon père et ce, depuis le tome 1. Et Jaggar représente une certaine forme de management déshumanisé et cynique, qui fait passer Francis pour un patron “à l’ancienne”, un patron de gauche, prétendument à côté de la prétendue réalité du marché. J’ai vu beaucoup d’amis d’enfance devenir des sortes de Jaggar, à mesure que leurs carrières avançait. Et cela m’a toujours désolé.
Le fait que Jaggar vienne d’outre-Atlantique et Francis d’Europe de l’Est est un clin d’œil à la mythologie des romans d’Ann Rice, dans lesquels certains vampires ont traversé l’océan en quête de chair fraîche. Cela correspond tout à fait à l’idée que je me fais de cette forme de management à l’américaine.
Zombillénium est prépublié dans le Journal de Spirou. Quels changements cela apporte-t-il par rapport à une histoire publiée directement en album ? Que préférez-vous, prépublier vos histoires ou le faire directement en album ?
Même si je préfère que mes albums soient lus en bouquins, pour des raisons de qualité d’image, j’avoue prendre un plaisir sans borne à les réaliser sous forme d’épisodes dans Spirou, avec des cliffhangers, du suspense, et tous les ingrédients d’un récit à suivre. Zombillénium est né dans les pages de Spirou et il en est indissociable.
Initialement, vous aviez prévu Zombillénium en quatre tomes. Est-ce toujours d’actualité ? Pourrions-nous espérer un autre cycle ?
J’avais dit quatre tomes ? Ah ah, j’ai revu ma copie car c’est désormais prévu en six. Je connais la toute-fin et comment y parvenir. Bien sûr, je ne résisterai pas à la tentation de faire un autre cycle, mais sous un autre titre.
Nous assistons ces dernières années à une multiplication de projets de BD dédiée à l’Internet (Professeur Cyclope, Spirou.Z, les Autres Gens, etc.) Que pensez-vous de cette nouvelle forme de BD ? Marché d’avenir ou simple tendance ?
Je trouve tous ces nouveaux supports très chouettes. Notamment en matière d’interactivité. Mais je pense que le papier a encore de beaux jours devant lui...
Que devient la série Péchés Mignons ?
Péchés quoi ? Non, je plaisante. Je suis très attaché à cette série. Je me réserve sous le coude un cinquième et dernier, mais à la condition de trouver un vrai thème, et pas seulement un catalogue d’histoires de fesses. Mais auparavant, il y aura... Le FILM D’ANIMATION de Zombillénium, amorcé par le pilote, qui est aussi le clip du premier single du nouvel album de Skip The Use. Le scénario est fini et la production devrait démarrer dès l’été 2014. Ayant toujours voulu réaliser un long-métrage d’animation, je vois enfin cette belle opportunité arriver ! Je me régale d’avance de pouvoir enfin faire bouger et parler mes personnages. Dans la BD, de nombreuses scènes ont été imaginées de manière “animée” et le cadre du dessin figé m’a souvent frustré. Je pense notamment à une scène, dans le tome 1, où Aurélien se rase devant sa glace. Il contemple ses muscles, frime, prend des poses... J’ai été obligé de multiplier la case pour montrer son comportement, mais ça ne rend pas ce que j’avais en tête. Avec l’animation, c’est un nouveau pas, une extension de l’univers. Et je trépigne d’impatience de démarrer la production !
Sympa le clip ! Pascal Nègre en démon, j’espère qu’il a apprécié.
Pascal Nègre[L’actuel président directeur général d’Universal Music France, président de la société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et président de la Société civile des producteurs associés (SCPA). NDLR] a beaucoup apprécié, il a même retweeté le clip en écrivant "Lol" !
On sent une pointe de lassitude chez vous concernant Péchés Mignons. Cette série fait elle vraiment de l’ombre à vos autres projets ?
Je ne suis pas lassé par Péchés Mignons, mais il se trouve que je n’ai pas du tout la tête à cela en ce moment. Bien sûr, cela reste la série qui m’identifie le plus, encore aujourd’hui et j’ai bien du mal à pousser en avant une série comme Les Crabes, par exemple. Les gens, collègues compris, disent "Ah, tiens, le dessinateur de pin-ups se met à la fable animalière", ignorant que le projet des crabes est bien antérieur à Péchés Mignons.
Mais je ne vais pas me plaindre : après des années de disette en animation, Péchés Mignons m’a fait entrer sans encombre dans le monde le la BD, là où d’autres galèrent un peu plus. Alors, être toujours identifié à cette série, c’est le prix à payer, disons...
Votre série est nominée, aux côtés de Murena et de Blacksad pour le titre de meilleure série 2014 du prix Diagonale. Le public doit voter pour désigner le vainqueur. Êtes vous porté sur les prix et autres distinctions ?
Je viens de découvrir ça ! Entre Murena et Blacksad ? Waouh ! Déjà, ça, c’est la classe ! Bien sûr que ça fait plaisir !
Voir en ligne : Le site officiel de Zombillénium
(par Christian MISSIA DIO)
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La chronique de Zombillénium T3
Arthur de Pins sur Actua BD :
« Zombillénium vit avec ses lecteurs grâce à sa publication dans Spirou »- 2 nov. 2011
« Mes personnages sont des monstres de foire version 2010 »- 7 sept. 2010.
Arthur De Pins : "Au contraire des hommes, les filles m’écrivent des histoires sans aucun tabou !" - 10 déc. 2008.
Crédits photos :
En médaillon : Chloé Vollmer
Arthur De Pins & Maïa Mazaurette : Christian Missia Dio
Le site d’Arthur De Pins : http://www.arthurdepins.com/
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