Bien avant La Machination Voronov, vous aviez commencé à travailler l’univers de Jacobs qui vous a d’ailleurs toujours attiré...
Dans un numéro du Journal Tintin en hommage à Jacobs, j’avais en effet réalisé une planche de Blake et Mortimer, vieillis, revenant sur les lieux du Mystère de la Grande Pyramide. Cet hommage a bien entendu contribué à ce que je dessine [L’Aventure immobile pour la collection Le Dernier Chapitre, scénarisé par Didier Convard (Dargaud). Puis, comme je connais très bien cet univers, au gré des rencontres en lien avec Jacobs, j’ai réalisé des dessins pour des sérigraphies hommages avec Christian Ziller pour Archives Internationales. Et c’est grâce à ces petits éléments dispersés que l’on m’a un moment proposé de réaliser un essai de reprise, ce qui ne pouvait que faire vibrer ma fibre jacobsienne !
Trouviez-vous légitime de prolonger l’« opéra de papier » du grand maître bruxellois ?
Apparemment, Jacobs lui-même souhaitait que ses héros continuent à vivre de nouvelles aventures après son décès, ce qui témoigne d’une certaine générosité ! Cela signifie qu’il pensait que quelqu’un serait capable de relever ce défi de lui succéder. Nous sommes d’ailleurs plusieurs à l’avoir tenté.
Quels sont les éléments qui sous-tendent votre reprise ?
Pour moi, cette reprise de Blake et Mortimer n’avait de sens que s’il y avait une fidélité au personnage, à l’atmosphère de la série, mais aussi à son style. Il est bien entendu impossible de copier Jacobs, mais en respectant l’esprit de la Ligne claire et de sa mise en scène, ainsi que l’attitude théâtrale des personnages, je me suis aperçu après coup que cette reprise n’était pas si hasardeuse, car le graphisme qui en découlait n’était pas si artificiel que ça.
Quelle a été le point de départ du Bâton de Plutarque, ce prequel du Secret de l’Espadon ?
Pour le repérage du Serment des cinq lords, Yves [Sente] et moi, nous nous étions rendus à Londres. Du côté de l’ancien Scotland Yard, nous sommes tombé sur le War Cabinet Museum, le bunker dans lequel se réfugiaient Churchill et son staff. Pour des auteurs tels que nous qui apprécions le décor et l’atmosphère de l’époque, c’était un endroit merveilleux car ils l’avaient maintenu en l’état, avec des mannequins en costume d’époque. Avec Yves, nous avons été enthousiasmés par ce lieu. Mais comment l’utiliser, sachant qu’il avait intensément vécu entre 1940 et 1944 ? Yves a alors fait le lien en imaginant revenir pendant la Seconde Guerre mondiale qui précède le Secret de l’Espadon ?
Quel a été votre premier sentiment à la lecture du du synopsis du Bâton de Plutarque ?
Je l’ai trouvé assez jouissif pour l’amateur de Blake et Mortimer que je suis. En tant que dessinateur, cela me permettait de revisiter Le Secret de l’Espadon et j’ai remarqué qu’Yves s’était amusé à réaliser un certain nombre de connections entre les albums. Ce qui explique d’ailleurs un certain nombre de points laissés dans l’ombre dans Le Secret de l’Espadon : pourquoi Blake et Mortimer semblent-ils bien se connaître ? Ainsi qu’Olrik ? Comme Yves aime que les choses soient très carrées, j’ai beaucoup apprécié l’étude qu’il a réalisée du Secret de l’Espadon, afin de réaliser un grand nombre de liens avec Le Bâton de Plutarque.
Avez-vous essayé de coller au graphisme parfois plus hésitant des premières planches de Blake et Mortimer ?
Malgré les planches retouchées par Jacobs après le premier jet réalisé par Jacques Van Melkebeke, deux graphismes se distinguent encore dans Le Secret de l’Espadon : un style plus réaliste au crayon, puis un graphisme ligne claire qui se prolonge dans les albums suivants comme Le Mystère de la Grande Pyramide, La Marque Jaune et les autres. Comment choisir entre les deux styles ? J’ai alors tout simplement préféré garder le mien, qui est un mixte des deux !
Une bonne partie du Bâton de Plutarque se déroule dans la base mythique de Scaw-Fell : vous avez dû recréer ces décors envous inspirant des quelques informations présentes dans les premières pages du « Secret de l’Espadon », une scène qui se déroule d’ailleurs de nuit...
Je me suis bien entendu inspiré de la scène qui se déroule à Scaw-Fell, mais cela se résume à deux-trois cases à peine, et la couverture du premier album, alors que la base est détruite dès le début de l’aventure. Je me suis donc amusé à reconstituer cette base afin d’y développer une partie de l’action du Bâton de Plutarque. Quant aux décors, je préfère un album de Blake et Mortimer qui se déroule dans les îles britanniques, un souhait exaucé par le scénario d’Yves.
Vous avez dû assurer un rythme soutenu pour tenir les délais. Vous vous êtes fait aider par Étienne Schréder. Comment s’est déroulée votre première collaboration avec ce dessinateur maintenant habitué à donner un coup de main sur la série ?
L’éditeur m’a exprimé son envie de faire sortir cet album pour la fin de l’année 2014, ce qui n’était au départ pas prévu ainsi. Dans les délais impartis, j’ai expliqué qu’il ne serait pas possible de réussir ce challenge. On m’a alors proposé de travailler avec Étienne, afin qu’il réalise une partie de l’encrage. Nous nous sommes très bien entendus, et nous avons bûché pendant huit mois non-stop pour publier l’album à temps. Je vais maintenant prendre un peu de vacances, réaliser sans doute divers petits travaux d’illustrations, avant de reprendre la suite des 7 Vies de l’Epervier.
(par Charles-Louis Detournay)
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Exposition "Jacobs et l’Espadon - Juillard & Ziller" à la Maison Autrique à Bruxelles
Du 5 décembre 2014 au 15 février 2015
Du mercredi au dimanche de 12h à 18h
Photo en médaillon : Charles-Louis Detournay.
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