« Ses bandes dessinées, disait Fellini, étaient la littérature de l’intelligence, de l’imagination et du romantisme. » Plasticien hors pair, Peellaert était cette autre figure de la BD belge qui révolutionna non seulement le 9ème Art mais l’art tout entier. Il incarnait le Pop Art mieux que quiconque, audacieux dans ses expérimentations, novateur dans ses techniques, synthétisant parfaitement son époque où la liberté des mœurs, la société de consommation, la révolution sexuelle, la politique même se cristallisaient dans un vulgaire chic et criard, mais élégant et inventif, devenu l’étendard d’une création opportuniste et raffinée.
On retiendra de lui ces filles sexy et longilignes portant des bas de footballeur, profilées comme des mannequins psychédéliques bardés d’accessoires et dont les traits rappelaient la sophistication de Sylvie Vartan ou de Françoise Hardy dans leur période glamour. C’est d’abord Jodelle (1966), prépublié dans Hara Kiri qui le fait connaître puis Pravda la survireuse, seule bande dessinée reconnue comme une composante du Pop Art. Elles constituent, avec Barbarella, toutes publiées chez Éric Losfeld, les premières femmes ostentatoirement sexuées du monde de la bande dessinée, marquant au passage dans nos contrées la naissance de la bande dessinée adulte, et non pas « pour adultes », à l’intention du grand public.
Peellaert abandonna ensuite la BD pour se consacrer à la peinture et à l’illustration notamment pour des affiches de films : Taxi Driver, Short Cuts, L’Argent, Paris, Texas et Les Ailes du désir,… , des pochettes de disques pour Les Rolling Stones, David Bowie, Étienne Daho, Lio,… ou des génériques d’émission de télévision. Son recueil d’illustrations Rock Dreams (Albin Michel, 1974) s’était vendu à plus d’un million d’exemplaires. Usant de toutes les techniques (gouaches acrylique, photo,..), ses derniers travaux utilisaient la palette graphique sur ordinateur.
2009 devait être une « année Peellaert » : Pravda la survireuse devait ressortir au Seuil le 15 décembre prochain et des dessins animés tirés de son travail étaient en cours de développement. À l’occasion de l’année BD 2009 en Belgique, le Palais des Beaux-Arts devait lui consacrer une expo conjointe avec Jean-Claude Forest, Guido Crepax et Paul Cuvelier : « Les années sexties » sous la houlette de Pierre Sterckx. L’artiste avait donné son accord et réunissait les œuvres avec enthousiasme. Espérons que cette disparition inopinée n’entrave pas ces beaux projets.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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