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Mort de Francis Lacassin, un savant de la littérature populaire et de la bande dessinée

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 août 2008                      Lien  
On apprend avec tristesse la disparition d’un grand spécialiste de la littérature populaire et de la bande dessinée, Francis Lacassin décédé dans la nuit de lundi à mardi 12 août 2008, à l’ âge de 76 ans. Il avait occupé la première chaire d’Histoire de la Bande Dessinée à la Sorbonne-Paris I en 1971.

Journaliste, éditeur, écrivain, scénariste pour le cinéma et la télévision, il était né le 18 novembre 1931 dans le Gard. Il avait fait ses débuts d’éditeur à Paris en 1964 chez Jean-Jacques Pauvert où il publie la revue Bizarre et participa aux débuts du Magazine littéraire dont il était le chroniqueur de référence pour la littérature fantastique et policière.

Journaliste à L’Express, puis au Point, il entre comme conseiller littéraire auprès de Christian Bourgois, aux Éditions Julliard, notamment pour la collection « 10/18 » de 1971 à 1990, où il publie l’œuvre complète de Jack London. Il dirigea de 1982 à 2000 un bon nombre de volumes de la collection « Bouquins » chez Laffont notamment les œuvres d’Eugène Sue, Gustave Le Rouge, Maurice Leblanc, Lovecraft, Jack London, Léo Malet, etc. On lui doit au moins 500 préfaces d’œuvres et d’auteurs qu’il chérissait et qu’il contribua souvent à redécouvrir sous un jour nouveau : Simenon, Lewis Carroll, Casanova, Blaise Cendrars,...

Mort de Francis Lacassin, un savant de la littérature populaire et de la bande dessinée
Un livre important de Francis Lacassin : Tarzan ou le Chevalier crispé

Francis Lacassin publia de nombreux essais consacrés à la littérature populaire, au fantastique, à la bande dessinée ou au roman policier. On lui doit notamment un essai intitulé Pour un neuvième art : la bande dessinée (1971), un remarquable essai sur Tarzan : Tarzan ou le Chevalier crispé avec une préface de Burne Hogarth (1982), une magnifique Contre-histoire du cinéma (1972), deux volumes essentiels de la Mythologie du roman policier (1974), une indispensable Mythologie du fantastique (1991), etc. Son écriture était simple, passionnante, jamais prétentieuse et son érudition faisait de lui un modèle pour tous les chercheurs et commentateurs de la littérature populaire qui lui ont succédé.

Il a joué un rôle capital dans la reconnaissance de la bande dessinée dans notre pays, cherchant à l’établir en tant qu’art, le neuvième, dont il défendit l’appellation dans la revue Giff Wiff, co-fondant un Club d’amateur de bande dessinée en mai 1962 à la suite d’un article de Pierre Strinati dans le mensuel Fiction en 1961, qui devint ensuite un centre d’études sous le nom de CELEG (Centre d’études des littératures d’expression graphique) auquel Hergé, René Goscinny, Boileau et Narcejac, Federico Fellini, Paul Winkler, Pierre Lazareff, Alain Resnais, Éric Rohmer, Jean-Claude Forest ou Pierre Couperie prêtèrent leur caution. Sans son travail de légitimation, la bande dessinée francophone ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.

Il venait de publier le premier volume de ses mémoires, Sur les chemins qui marchent aux Editions du Rocher.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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6 Messages :
  • Triste nouvelle, j’ai toujours lu ses livres avec grand intérêt (et je continuerais d’ailleurs), Francis Lacassin avait une immense culture et savait faire passer ses passions sans être pédant. Son regard intelligent nous manquera.

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    • Répondu le 14 août 2008 à  22:53 :

      Bien d’accord avec vous. Je ne le connaissais pas de vue, mais je trouve qu’il ressemble à Serge Clerc. Sans doute un effet de chevelure...

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  • Alors ça ?!!! C’est donc grâce à lui aussi que j’ai lu TOUT Jack London dans mon adolescence. Je connaissais son engagement pour la bd, mais pour la littérature populaire...

    A ce propos -peut être un peu mal venu, vu les circonstances- ne serait-il pas temps de primer J.P Dionnet à Angoulême ? Hormis les dessinateurs, les scénaristes il y a aussi les passionnés des arts populaires. Sans eux et leur douce folie, où en serait le genre ?

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  • Son écriture était simple, passionnante, jamais prétentieuse
    16 août 2008 09:41, par Michel Dartoche

    donc le contraire de tous les pseudos universitaires intellectuels au langage glacial et hermétique qui ont envahi la critique (ou plutôt l’analyse !!) de la BD depuis des années, la rendant du coup illisible. Je ne cite personne, ils se reconnaitront d’eux-mêmes. Francis Lacassin était capable de communiquer des idées passionnantes en restant compréhensible de tous.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 16 août 2008 à  10:20 :

      Absolument. D’ailleurs, il le lui font bien sentir comme cet Harry Morgan qui, dans Le petit critique illustré, parlant de Pour un 9ème Art, la bande dessinée lui fait un procès uniquement à charge, pinaillant sur les coquilles sans voir le magnifique travail de réhabilitation de la bande dessinée que faisait ce grand savant, trente ans avant les travaux du pâle pseudonyme, avec une qualité d’écriture qui invitait à la découverte (Lacassin, à titre personnel, m’a fait lire Bécassine), contrairement à ce pédant qui profite des travaux de ses collègues américains pour étaler une science qui ne lui appartient pas.

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  • Didier Pasamonik a écrit :

    Il dirigea de 1982 à 2000 un bon nombre de volumes de la collection « Bouquins » chez Laffont notamment les œuvres d’Eugène Sue, Gustave Le Rouge, Maurice Leblanc, Lovecraft, Jack London, Léo Mallet, etc. On lui doit au moins 500 préfaces d’œuvres et d’auteurs qu’il chérissait et qu’il contribua souvent à redécouvrir sous un jour nouveau : Simenon, Lewis Carroll, Casanova, Blaise Cendrars,...

    J’aime beaucoup Leblanc, Lovecraft, Malet (un seul L pour moi, merci) et tant d’autres, mais dans l’ordre du « notamment », le Lacassin de la collection « Bouquins » reste aussi, voire d’abord, le directeur de l’édition critique de référence des Mémoires de Casanova, Histoire de ma vie, d’après son texte véritable révélé au monde en 1960. Casanova, un auteur au moins aussi populaire que les précités, et que Lacassin appellait à juste titre « le Saint-Simon des gens qui ne roulent pas en carrosse ».

    À la gloire de Lacassin, son édition de Casanova a exhumé en suppléments près de mille pages d’immenses textes inédits du Vénitien, dénichés à Prague parmi la masse des manuscrits de Dux ; cette édition enterre même celle de la Pléiade (d’habitude habituée par simple parution à jouer ipso facto les références), Gallimard ayant eu en prime la mauvaise inspiration de baser son édition sur le texte réécrit par le faussaire de Dresde Laforgue, palimpseste dont Lacassin disait gentiment qu’il est « de la ratatouille ».

    Il a su ne pas tout mépriser des cultures populaires, du 7e au 9e art. Et même s’il est trop souvent crédité à tort de cette dernière expression (due à Morris et Vankeer en 1964 dans Spirou), Lacassin a popularisé le concept comme le contenu du « neuvième art ».

    Ce gars du Gard était le bourlingueur sur les chemins qui marchent, passeur d’imaginaires en contrebande, son havresac chargé de livres sur un dos aussi large et incassable que celui de ses « Bouquins ». Le monde des lettres était son royaume. Il était l’aventurier de toutes les littératures, de la Littérature comme des autres littératures – dont la littérature graphique, l’aventure « des jeunes de 7 à 77 ans ».

    Le jeune Francis est mort dans sa 77e année, comme s’il avait préféré quitter la vie plutôt que la BD. Ciao, Francesco : « Pensant à la réalité et à l’imagination, j’ai donné la préférence à celle-ci, puisque la première en dépend. » (Citations de Casanova)

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