Ce film d’animation en noir et blanc raconte la jeunesse de Marjane Satrapi, alors qu’à l’âge de 8 ans, elle assiste en 1978 à l’écroulement du régime du Shah. Issue d’une famille de gens modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec un intérêt teinté d’angoisse l’installation de la République islamique avec ses « commissaires de la révolution » qui instaurent un contrôle de plus en plus strict de la société, à commencer par l’habillement des femmes, auxquelles on impose le port du foulard. Comme souvent dans les dictatures, la guerre survient et le conflit avec l’Irak entraîne son lot de bombardements, de privations, et de disparitions. La liberté d’expression de la jeune Marjane, qui n’a pas (déjà !) sa langue dans la poche, devient de plus en plus difficile à gérer par ses parents, qui décident prudemment de l’envoyer continuer ses études en Autriche, à Vienne. Elle vivra là une révolution personnelle, seule et libre loin de sa famille, et découvre à quatorze ans l’amour en même que le sentiment de l’exil et de la différence.
Cette histoire, Marjane Satrapi va la raconter à l’instigation du dessinateur David B, l’un de ses collègues de l’Atelier des Vosges, co-fondateur de l’Association, qui l’amène tout naturellement chez cet éditeur chez qui sera publiée cette saga en quatre volumes, de 2000 à 2003. Immédiatement, la série remporte un nombre impressionnant de prix internationaux parmi lesquels le prix « Coup de cœur » (premier album) en 2001 à Angoulême, le prix du meilleur scénario à Angoulême et le Prix France Info en 2002, ou encore le prix du meilleur album étranger aux Harvey Awards 2004. Les albums seront traduits dans le monde entier, vendus à plus d’un million d’exemplaires. Persépolis figurera même au programme des élèves de la célèbre académie militaire américaine de West Point !
Immédiatement, Hollywood va s’intéresser à l’adaptation de la bande dessinée à l’écran, et des propositions sont faites à Marjane, notamment une adaptation en live avec Jennifer Lopez dans le rôle de la maman, Brad Pitt dans le rôle du père, et Gena Rowland dans le rôle de la grand-mère. Mais à l’exemple de Joann Sfar avec sa série de dessins animés Petit Vampire, Marjane Satrapi préfère garder la main et décide de réaliser le film elle-même avec Vincent Paronnaud, à l’aide d’une équipe française. Le film est sélectionné pour le Festival de Cannes. Lors de sa présentation faite en présence des parents de l’artiste, il reçoit une ovation pendant près d’un quart d’heure, et figure parmi les favoris du palmarès.
Ce film en noir et blanc qui sera projeté en salles à partir du 27 juin prochain est réalisé avec un précision et un réalisme qui réhabilitent la possibilité de l’adaptation d’une bande dessinée à l’écran. Cette qualité extraordinaire, tant dans son rythme et son mouvement que par la définition des matières, nous vaut un voluptueux chatoiement de noirs et de gris, auquel les voix de Danielle Darrieux, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni (également créditée pour la bande originale du film) apportent un incontestable supplément d’âme.
C’est une récompense méritée pour une grande œuvre et une grande artiste, magnifiquement appuyée dans cet exercice par son co-réalisateur Vincent Paronnaud.
LA BANDE ANNONCE DU FILM
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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