Né à Buenos Aires en 1942, il a été l’élève du grand dessinateur Alberto Breccia, professeur (avec Hugo Pratt) à la Escuela Panamericana de Arte de Buenos Aires. Du premier, il hérite un talent caractéristique et novateur, notamment dans l’utilisation du noir et blanc ; du second, une forme de narration qui renouvelle les codes de la bande dessinée, en s’adressant en particulier à un public adulte. Contraint de fuir la dictature, il vient habiter en Europe, successivement en Angleterre, où il rejoint son ami Oscar Zarate puis l’Espagne, où il rencontre Carlos Sampayo qui sera longtemps son scénariste, enfin l’Italie où il se fait connaître dans le mensuel Linus avant d’être publié en France dans Charlie Mensuel et enfin dans (A Suivre).
La caractéristique du travail de Muñoz est sa parfaite maîtrise du noir et du blanc couplée à un propos politique humaniste radical qui se nourrit de la blessure de l’exil. Voici quelques années, lors de la grande rétrospective qui lui avait été consacrée à Charleroi [1], José Muñoz nous racontait la terreur que lui inspirait la société argentine d’alors : « Je regarde cet écroulement bancaire ambigu, lourd de conséquences, ce pays qui chute face à une expérimentation économique extrême. Il y a eu ces dernières trente années, en Argentine, une sorte de dictature économique libérale qui aboutit à cette dépression qui s’accompagne d’une dépréciation de l’individu, et qui se traduit par une absence de respect de l’autre, comme si le monde était une entreprise sauvage où le but de chacun est de voler son voisin.
Ce « paradis libéral » est arrivé à un point d’écroulement, un tel état de défragmentation, que je me sens comme dépossédé de mon souvenir et la situation actuelle est aussi angoissante qu’une histoire d’Œsterheld dessinée par Breccia, à la sauce Borges : on en arrive à l’idée confuse que tout ce qui est de l’ordre du souvenir est une invention de son imagination. »
C’est avec Alack Sinner et Le Bar à Joe (Casterman) que José Muñoz et son scénariste Carlos Sampayo accèdent à la notoriété. Ce polar dont l’influence se fait sentir jusque dans les œuvres de Frank Miller, est une critique cinglante de la société américaine, décrivant une faune d’exilés clandestins, un récit impitoyable dont les lumières crues contrastent avec de massives taches noires oppressantes.
Le Polar et le Jazz sont d’ailleurs les deux constantes thématiques de cet artiste incomparable. José Muñoz collabore avec quelques-unes des meilleures plumes du Roman noir parmi lesquelles Jérôme Charyn et Daniel Picouly. On lui doit aussi une biographie romancée de la chanteuse de Jazz Billie Holiday.
Outre Frank Miller déjà cité, José Muñoz est le maître à dessiner d’une nouvelle génération d’artistes comme l’Italien Lorenzo Mattotti, l’Anglais Dave McKean ou encore des Français comme Edmond Baudoin ou Frédéric Bézian.
Quand il pratique la couleur, Muñoz se montre également sculpteur de lumière, dans des aquarelles et des gouaches aux nuances subtiles et ouatées (La Pampa y Buenos Aires, Futuropolis). Cela tombe bien, on pourra en admirer quelques-unes dans la grande exposition rétrospective qui ouvrira prochainement ses portes à Louvain, en Belgique [2]
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : José Muñoz. Photo : D. Pasamonik.
[1] Muñoz/Breccia, L’Argentine en noir & blanc, 2002.
[2] Muñoz, luces y Sombra. Renseignements : www.beeldbeeld.be.
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