On rappelle que ce Prix, le premier du genre, est remis à l’occasion du Forum International du Cinéma et de la Littérature qui a lieu chaque année à Monaco (une manifestation dont nous reparlerons). Le jury était composé de : Jean Giraud alias Moebius, dessinateur (Président du Jury)qui venait défendre à Monaco le film Blueberry, l’expérience secrète (Dargaud) mis à l’écran par Jan Kounen ; Didier Brunner, le producteur des Triplettes de Belleville, notamment ; Gérard Krawczyk, réalisateur de Taxi 2, Taxi 3, Fanfan la Tulipe mais aussi de Je hais les acteurs, l’Eté en pente douce... ; Didier Van Cauwelaert, un romancier qui déjà réalisé des scénarios de BD (Vanity Benz chez Dargaud), par ailleurs auteur du livret français de la comédie musicale de Tintin et le Temple du Soleil et Bernard Werber, romancier et scénariste de BD (Les Fourmis et Exit chez Albin Michel). Ils avaient à faire le choix parmi cinq albums nominés.
Giraud vote Jirô.
« On va dire que Giraud vote Jirô » ironisait le dessinateur de Blueberry à la sortie de la délibération qui a porté une majorité de voix sur la manga publiée aux Editions Casterman. « Il n’y avait pas photo. C’était incontestablement le meilleur du lot », affirme Didier Van Cauwelaert, ancien Prix Goncourt, jugeant par ailleurs la sélection « assez faible », en dehors de l’album primé.
Un choix incontestable.
Le Forum de Monaco fait dans tous les cas une bonne opération en distinguant cette manga : le jury a fait un choix d’autant plus incontestable qu’on apprend par Sophie Levie, responsable des droits audiovisuels chez Casterman, que pas moins de trois producteurs se battent en ce moment pour l’acquisition des droits de cet album. Par ailleurs, en ouvrant d’entrée sa sélection à une œuvre japonaise, elle marque son ancrage international.
« Quartier Latin de Jiro Tamaguchi »
Le prix a été remis dans les mains du PDG de Casterman, Louis Delas, par Marie-Anne Chazel, en présence de SAS le Prince Albert de Monaco. Les organisateurs ont eu du mal à identifier le titre et l’auteur de l’album, n’hésitant pas à annoncer, au moment de la remise « Quartier Latin » (sic) de Jirô Tamaguchi (re-sic). Mais Louis Delas a corrigé le tir en soulignant que ce prix ouvrait peut-être la voie à « une autre façon d’adapter la BD au cinéma ». Tout le monde a compris qu’il faisait allusion au genre superhéros actuellement très présent sur le grand écran.
L’histoire d’une blessure d’enfance.
L’album primé raconte l’histoire de Hiroshi Nakahara, un homme dans la force de l’âge, qui se retrouve après une nuit de libations à revivre ses 14 ans dans son village natal. Il a l’apparence de l’adolescent qu’il était, il est dans le monde de cet adolescent, mais avec l’esprit et l’expérience de l’homme adulte. Il retrouve sa mère décédée 23 ans plus tôt dans une famille aimante et protégée. Mais avec son regard d’adulte, il repère la fêlure qui détruira ce bonheur d’enfance. Pourra-t-il interférer sur le cours du temps ?
Son auteur Jirô Taniguchi est né le 12 août 1947 à Tottori (Japon). Il débute dans la bande dessinée en 1970 avec "Un été desséché". De 1976 à 1979, il réalise avec l’écrivain Natsuo Sekikawa, Ville sans défense, Le Vent d’ouest est blanc et Lindo 3. Avec le même scénariste, il entreprend la réalisation de cinq volumes que compte Au temps de Botchan (en cours de parution en français au Seuil), une chronique littéraire du temps de Meiji. A partir de 1991, Jirô Taniguchi devient son propre scénariste : L’Homme qui marche, Le Chien Blanco et la trilogie du Journal de mon père (chez Casterman) sont particulièrement remarqués. Le premier volume de Quartier Lointain a remporté l’Alph’Art 2003 du meilleur scénario à Angoulême, le prix Canal BD des librairies spécialisées et de nombreuses autres distinctions. Récemment, Taniguchi avait entamé une collaboration avec Moebius dont l’album devrait sortir prochainement en librairie.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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