C’était d’ailleurs le sujet de l’introduction de cette université par le maître de conférence de Paris 13, Benoît Berthou. Sa première partie, intitulée « L’Europe : pour une bande dessinée d’auteur ? » laissait accroire que les auteurs étaient européens et non américains, japonais ou chinois. Une position qui a très vite appelé des « nuances » du côté de la salle… Globalement, son exposé insistait sur l’antagonisme entre l’auteur et l’éditeur mettant en avant des « logiques divergentes » que révèleraient certains épisodes récents comme « L’appel du numérique » par le SNAC ou encore le coup de gueule de Kris sur sa page Facebook.
Le cœur du problème, selon M. Berthou, serait le « contrat d’édition » entre l’auteur et l’éditeur, dépassé par les nouvelles pratiques liées à l’Internet et notamment le fait que les auteurs y font eux-mêmes la promotion de leurs ouvrages, qu’il est possible aujourd’hui de publier des livres en se passant de l’éditeur, du diffuseur et du libraire… En conclusion, l’auteur se conçoit comme un partenaire, susceptible de faire appel à un agent pour mieux négocier ses droits. Cette vision, pas vraiment révolutionnaire et toute juridique du rapport auteur-éditeur, a elle-aussi fait l’objet de « nuances », notamment de la part d’éditeurs présents dans la salle.
Le débat suivant, « Vivre de son métier, vivre de son art » avec l’auteur Jean-Luc Loyer, le représentant de l’Agessa Stéphane Bismuth, le secrétaire de la Société des Gens de Lettres Dominique Le Brun et le juriste Sébastien Cornuaud, s’est surtout penché, autour du cas très touchant de cet auteur, sur les statuts sociaux et fiscaux de l’artiste en inventoriant toutes les activités actuelles d’un auteur, activité composite fait de travaux d’illustration, de publicité, de vente de planches, voire de petits boulots salariés d’appoint qui n’ont rien à voir avec ce métier. Nous y reviendrons cet été dans un prochain article.
Absence d’étude sociologique sur l’auteur de BD
Ensuite, le dessinateur François Boucq, l’historien et théoricien de la BD Thierry Groensteen, les mêmes Dominique Le Brun et Sébastien Cornuaud ont tenté de donner une approche sociologique de l’auteur, en prenant exemple le parcours du dessinateur lillois. En réalité, en dehors d’une étude belge faite par le bureau social belge Smart qu’ActuaBD vous avait signalée, Thierry Groensteen fait observer, en réponse à une question de la salle, qu’en France, en dehors d’une étude faite par Luc Boltanski [1], aucune étude sociologique n’a été faite en France depuis 1975.
La deuxième journée commença par une rencontre avec François Boucq et le scénariste Denis Lapière où chacun a raconté son rapport au scénario. En gros, François Boucq reçoit un scénario et le met en scène à sa sauce tandis que Denis Lapière adapte au fur et à mesure son scénario à son interlocuteur.
La suite de la journée a surtout été rythmée par des ateliers : rencontres avec les auteurs Olivier Jouvray et Pascal Mirleau, avec les éditeurs Thierry Joor (Delcourt), Louis-Antoine Dujardin (Dupuis), Arnaud Bauer (Manolosanctis) et Yannick Lejeune (Delcourt).
Elle se conclut par une rencontre sur les blogs et les webcomics avec Thomas Cadène (Les Autres Gens), Olivier Jouvray ([8Comix), Wandrille (Prix révélation blog), et Yannick Lejeune (Festival Festiblogs).
Une édition sans éditeur, sans diffuseur et sans libraire...
Les débats du vendredi ont surtout mis en évidence, dans une table ronde très « locale » (Editions Polystyrène, Ego Comme X, Scutella) sur l’édition alternative, la micro-édition et l’autoédition, la difficulté actuelle de la diffusion qui se résout pour Scutella par la création d’une structure, 16 Diffusion, soutenue par le Conseil Régional.
La table-ronde sur l’aide à l’édition avec Emmanuelle Lavoix, responsable du programme de soutien à l’édition pour le Centre du Livre Poitou-Charentes, Florabelle Rouyer, du Centre National du Livre et Frédéric Cros, directeur du Pôle Image Magelis interrogés par Pili Munoz, la directrice à la Cité de la Maison des Auteurs a requis toutes les attentions. La BD est très aidée en France, encore faut-il que les acteurs du livre le sachent. Nous reviendrons dans un prochain article sur ces questions.
« Comment peut-on être éditeur ? » était la question d’un débat avec les éditeurs Thierry Groensteen (L’An 2), Arnaud Bauer (Manolosanctis), et Greg Neyret (Bamboo). Outre les expériences réciproques, cette séance a surtout été marquée par l’annonce faite par Arnaud Bauer de la création d’une plate-forme de distribution sur Internet qui permettrait virtuellement à chaque auteur de publier ses livres et de les offrir au public sous la forme d’une impression à la demande, un système qui permettrait d’effacer une bonne part de la chaîne du livre, de l’éditeur au diffuseur et au libraire. Cette solution a reçu une violente hostilité de la part des éditeurs présents dans la salle. Là encore, nous y reviendrons.
Si cette université d’été n’a rien révélé de bouleversant, elle a permis aux personnes présentes de faire un état des lieux des rapports entre auteurs et éditeurs, ce qui n’est pas si mal.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
[1] Boltanski, Luc, La Constitution du champ de la bande dessinée, Actes de la recherche en sciences sociales, 1, 1975, p.37-59.
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