Le 17 décembre 2015, le candidat nationaliste Gilles Simeoni remporte les élections territoriales et accède à la présidence du Conseil exécutif de la collectivité de Corse. Cette date est, pour Hélène Constanty, l’élément déclencheur d’une rétrospective historique sur le mouvement nationaliste insulaire sous la forme de récit graphique.
L’album, structuré en six chapitres, suit la chronologie de ces quarante années de revendication identitaire qui ont marqué la terre corse et les insulaires dans leur chair.
Alors que ce 17 décembre 2015 à Bastia, Gilles Siméoni et Jean-Guy Talamoni savourent leur victoire, au même moment à Corte, la statue du père historique de la patrie, Pasquale Paoli, disparaît de la place qui porte son nom. Elle sera le guide d’une longue pérégrination historique...
L’enquête débute à Aléria en 1975. Edmond Siméoni, le père de Gilles, fondateur de l’ARC [1], dénonce les privilèges accordés aux rapatriés d’Algérie au détriment des agriculteurs corses en occupant une cave viticole. Cette action se voulait pacifique, elle se termina dans le sang. S’ensuivront d’autres événements tragiques : les nuits bleues, le drame de Furiani, l’exécution du Préfet Érignac.
Hélène Constanty et le dessinateur Benjamin Ades retracent minutieusement les événements qui jalonnent le parcours de la lutte nationaliste, les guerres intestines et fratricides entre partisans de l’autonomie et de l’indépendance, les relations poreuses entre les clans, la Brise de Mer, le pouvoir exécutif et judiciaire.
On retrouve également quelques figures marquantes du pouvoir français : Robert Broussard, devenu Préfet de Corse, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur qui joue de sa faconde méridionale, ou encore Michel Rocard, alors Premier Ministre, dont l’exposé à l’Assemblée nationale en avril 1989 fera date pour les nationalistes corses.
Fil conducteur de l’enquête, le fantôme bleuté de Pasquale Paoli, u babbu di a patria [2], traverse le temps et l’espace en rappelant ses faits d’armes contre les Génois et les Français pour conquérir la souveraineté de la Corse. Napoléon, son contemporain, est le grand absent de cette fresque des figures emblématiques de l’île.
Journaliste d’investigation indépendante, Hélène Constanty enquête depuis plusieurs années sur les "affaires" de la Côte d’Azur et sur celles qui touchent particulièrement la Corse. Elle a publié plusieurs essais et réalisé des reportages télévisés sur le sujet. Elle collabore comme scénariste à La Revue Dessinée.
Benjamin Ades publie ses illustrations dans La Revue Dessinée. Avec cette première BD d’enquête, il débute avec talent dans le neuvième art.
Une enquête dense, très documentée, sur une problématique qui a fait couler beaucoup d’encre et de sang et qui interroge sur le rapport entre la quête identitaire et la souveraineté étatique.
(par Nadine RIU)
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