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Un salon de BD virtuel, une solution confortable pour les auteurs comme pour les visiteurs ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 3 février 2021                      Lien  
En temps de Covid-19, sans aucun doute. Le rituel de la dédicace a été bien bouleversé depuis que la pandémie hante nos provinces. Remises des prix en petit comité, conférences de presse et réunions de représentants et de libraires sur Zoom, expositions virtuelles, enchères en ligne,… Le petit monde de la BD ne cesse de se réinventer, tandis que les auteurs se partagent en deux camps : ceux qui vendent suffisamment pour ne pas à ouvrir le bec et les autres qui voient leurs projets retardés et pour qui l’année 2020 a représenté une période de vaches maigres.

Il y a ceux qui réclament « une taxe Astérix », et pourquoi pas une « taxe manga », vu que ceux-ci occupent plus de 30% du marché ; et ceux qui réclament un statut d’intermittent de l’édition comme pour les intermittents du spectacle.

Pendant ce temps-là, face au boycott, le FIBD dit : « - Ce n’est pas moi, je n’y peux rien… » et, objectivement, c’est vrai ; mais les plus revendicatifs insistent pour cibler un événement qui est « un lieu de pouvoir ». Ils brandissent les 23 propositions du Rapport Racine, vidées de leur substance par le Rapport Sirinelli, d’où la colère des auteurs et de leurs représentations syndicales.

Des dédicaces payantes

Que deviendront les festivals dans l’ « après-Covid » ? De plus en plus d’auteurs, considérant l’inconfort que leur proposent certains salons, le temps perdu en voyage et autres prestations, réclament des dédicaces… payantes. Les festivals essayent de s’adapter. Il faut dire que le système ne manque pas de contradictions : les auteurs ont réussi à se faire payer leurs interventions en festival, selon le slogan : « pas d’auteurs, pas de festivals ». C’est une bonne chose, mais, avancent les organisateurs, ils ne se font pas payer sur un plateau TV, alors que, là encore, « pas invités, pas de talk shows »… Bref, la situation n’est pas simple, il faut se réinventer.

Un salon de BD virtuel, une solution confortable pour les auteurs comme pour les visiteurs ?
Jim Maître vend désormais ses BD dans le Salon BD Virtuel
Photo : DR

Une nouvelle forme de salons BD

Mais des initiatives se font jour, comme ce « Salon BD virtuel » dont nous vous parlions voici quelques jours.. Il a été créé par des auteurs cornaqués par Jean-Marie -Jim- Maître qui avait commencé la BD comme encreur en 2004 pour La Compagnie des glaces chez Dargaud, devenu éditeur indépendant (FTW Productions) depuis 2010 : « Après le constat d’échec de la série "Compagnie des glaces" chez Dargaud, suite à une politique commerciale mal ciblée ayant tué la série à grand coup d’intégrales, nous raconte-t-il, j’ai eu vraiment peur pour la suite de ma carrière, que mon prochain titre soit mal géré ou mal défendu. J’ai donc décidé de réaliser seul mes créations, afin d’avoir un plein contrôle sur le processus. Je savais intuitivement comment je devais défendre ma série en salons BD. Les dix ans qui ont suivi n’ont fait que confirmer mes choix. Mieux encore : beaucoup d’amis m’ont rejoints après des mésaventures éditoriales, et réussissent de manière brillante ! »

Or, de salons, justement, depuis un an, il n’y en a plus. Comment rencontrer ses lecteurs ? D’où l’idée de ce salon virtuel : « À la fin du premier confinement, j’ai rapidement eu la certitude qu’on allait pas revenir à la normale de sitôt, nous raconte Jim. Mes copains courageux m’ont dit "heuu, vas-y en premier, on te regarde", alors j’ai fait une première édition en octobre, tout seul sur "Zoom", et... il n’y a pas eu grand monde, mais en revanche d’excellents retours sur l’initiative, notamment de la part des amis en question, sur le fait que le truc avait un vrai potentiel.

Aujourd’hui, ça marche via le logiciel de Streaming Discord [très connu des joueurs de jeu vidéo. NDLR], permettant une émission de flux audio/vidéos simultanés multiples (plusieurs auteurs en même temps) sur le même "serveur", plus facile pour un visiteur qui peux jongler d’un stand/salon (auteur) à l’autre.

Un nouveau public arrive, très frustré par le manque de salon "classiques", mais aussi des expatriés heureux de voir en direct un peu de culture française, des familles ayant renoncé aux salons pour des questions d’enfants trop jeunes, de frais d’hôtels, de restaurants, de prix d’entrée et d’albums sans compter le temps que cela coûte. Là, ils peuvent venir dans un festival depuis leur salon sans devoir mettre en branle une logistique longue et coûteuse...

Nous avons réédité la chose en novembre avec quatre auteurs et pas loin d’une centaine de personnes présentes. En décembre, nous n’étions pas loin de 20 auteurs avec 200-300 Personnes inscrites et des ventes à un niveau correct. On part de rien, on découvre un peu ce type de logiciels, et le "live" sur le Net, donc, on part presque de zéro.

L’avantage, c’est qu’on tire d’un mois à l’autre un retour d’expérience que l’on met à profit rapidement. L’édition de Janvier qui vient de se terminer compte 800 inscrits et 25 auteurs, et un bilan encore à établir, mais visiblement positif pour tous, puisque les commandes et ventes s’effectuent après et avant le salon aussi. »

Ce retour d’expérience est fondamental. Il permet d’améliorer de mois en mois la communication en faisant des vidéos avec les auteurs, des campagnes de mailing ciblées. Avec, à chaque fois, l’arrivée de nouveaux auteurs qui, motivés à ne plus rester dans l’inaction, viennent rejoindre les premiers. En face, les lecteurs sont enchantés de pouvoir discuter en direct avec les dessinateurs dans des conditions sereines : pas de trajet, on est chez soi, sans stress, des deux côtés.

Les festivals de BD traditionnels sont-ils menacés par cette initiative ? Jim sourit : « Par nous, non. Mais par le gouvernement, oh que oui ! À moyen et long terme, je pense que ça pourrait même devenir un complément sans dommages mutuels. Avant, le contact avec les lecteurs, pour nous éditeurs, c’était lors des festivals BD. À présent, c’est via le Net, c’est tout. »

Petit à petit, les lignes bougent…

Photo : DR

Voir en ligne : La page Facebook du Festival

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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9 Messages :
  • Dédicaces payantes...
    Donc le lecteur (moi) paie son déplacement (aussi), paie son billet d’entrée, paie sa BD sur place et paie sa dédicace ?
    Je comprends le débat, mais je peux faire part de mon expérience personnelle : j’ai acheté un paquet d’albums que je ne connaissais pas en voyant l’auteur en dédicace, pour tenter et repartir avec un bel objet, et éventuellement discuter un peu. Si je dois payer en plus, ça sera non, clairement. J’achèterai mes BD hors salon et je ferais moins d’achats coup de tête, voire j’irai dans moins de salons.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Auteur-trice le 5 février 2021 à  13:58 :

      Ce n’est pas très grave mon gars, tu n’es pas indispensable.

      Répondre à ce message

      • Répondu le 5 février 2021 à  14:29 :

        Au contraire il est indispensable. C’est très révélateur ce qu’il dit. Pourquoi serait-ce au lecteur de payer pour la dédicace ?

        Répondre à ce message

        • Répondu le 6 février 2021 à  12:50 :

          Et pourquoi serait-ce au lecteur de payer les livres et le billet de train pour aller à un festival. Vous avez raison, tout cela devrait être à la charge des auteurs.
          Vous avez raison, l’auteur doit tout à ses lecteurs. Que serait l’auteur sans les dédicaces ?

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          • Répondu le 6 février 2021 à  14:34 :

            Pas à la charge des auteurs non plus. Il y a des intermédiaires entre l’auteur et le lecteur. C’est aux libraires et aux organisateurs de festivals de payer pour les dédicaces si on veut qu’elles soient rémunérées.

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            • Répondu le 6 février 2021 à  15:19 :

              Et pourquoi pas à l’imprimeur ou aux fabricants de papier et d’encre ?
              Et je ne parle pas des marchands de sandwichs et des petits cafés qui profitent des salons pour se faire un peu d’argent.
              Après tous, sans les lecteurs, toute cette industrie et ce qui tourne autour n’auraient pas de travail.
              On exploite tellement les lecteurs. Qu’attendent les gouvernements pour obliger les auteurs à dédicacer gratuitement tous les exemplaires imprimés ?

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              • Répondu par vainvain le 7 février 2021 à  17:36 :

                Et si on laissait les auteurs décider de s’ils veulent être payés ou pas, et les lecteurs décider de s’ils veulent payer ou pas ? je suis sûr que plein de lecteurs n’auraient rien contre payer pour avoir une belle dédicace. Et que des auteurs pourraient avoir envie d’offrir des dédicaces,…

                Répondre à ce message

                • Répondu le 7 février 2021 à  19:02 :

                  Et si des lecteurs avaient envie d’offrir des billets à des auteurs pour les remercier d’avoir envie de leur offrir des tas de dédicaces. Ce serait sympa, non ?

                  Et si les auteurs offraient les albums à leurs lecteurs et que seules les dédicaces devenaient payantes. Ce serait sympa, non ?

                  Et si les auteurs engageaient des pickpockets pour faire les poches de leurs lecteurs pendant qu’ils attendent leur petit dédicace. Ce serait sympa, non ?

                  Répondre à ce message

      • Répondu le 5 février 2021 à  14:33 :

        De toute façon les dédicaces abîment les livres.

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