Il y a ceux qui réclament « une taxe Astérix », et pourquoi pas une « taxe manga », vu que ceux-ci occupent plus de 30% du marché ; et ceux qui réclament un statut d’intermittent de l’édition comme pour les intermittents du spectacle.
Pendant ce temps-là, face au boycott, le FIBD dit : « - Ce n’est pas moi, je n’y peux rien… » et, objectivement, c’est vrai ; mais les plus revendicatifs insistent pour cibler un événement qui est « un lieu de pouvoir ». Ils brandissent les 23 propositions du Rapport Racine, vidées de leur substance par le Rapport Sirinelli, d’où la colère des auteurs et de leurs représentations syndicales.
Des dédicaces payantes
Que deviendront les festivals dans l’ « après-Covid » ? De plus en plus d’auteurs, considérant l’inconfort que leur proposent certains salons, le temps perdu en voyage et autres prestations, réclament des dédicaces… payantes. Les festivals essayent de s’adapter. Il faut dire que le système ne manque pas de contradictions : les auteurs ont réussi à se faire payer leurs interventions en festival, selon le slogan : « pas d’auteurs, pas de festivals ». C’est une bonne chose, mais, avancent les organisateurs, ils ne se font pas payer sur un plateau TV, alors que, là encore, « pas invités, pas de talk shows »… Bref, la situation n’est pas simple, il faut se réinventer.
Une nouvelle forme de salons BD
Mais des initiatives se font jour, comme ce « Salon BD virtuel » dont nous vous parlions voici quelques jours.. Il a été créé par des auteurs cornaqués par Jean-Marie -Jim- Maître qui avait commencé la BD comme encreur en 2004 pour La Compagnie des glaces chez Dargaud, devenu éditeur indépendant (FTW Productions) depuis 2010 : « Après le constat d’échec de la série "Compagnie des glaces" chez Dargaud, suite à une politique commerciale mal ciblée ayant tué la série à grand coup d’intégrales, nous raconte-t-il, j’ai eu vraiment peur pour la suite de ma carrière, que mon prochain titre soit mal géré ou mal défendu. J’ai donc décidé de réaliser seul mes créations, afin d’avoir un plein contrôle sur le processus. Je savais intuitivement comment je devais défendre ma série en salons BD. Les dix ans qui ont suivi n’ont fait que confirmer mes choix. Mieux encore : beaucoup d’amis m’ont rejoints après des mésaventures éditoriales, et réussissent de manière brillante ! »
Or, de salons, justement, depuis un an, il n’y en a plus. Comment rencontrer ses lecteurs ? D’où l’idée de ce salon virtuel : « À la fin du premier confinement, j’ai rapidement eu la certitude qu’on allait pas revenir à la normale de sitôt, nous raconte Jim. Mes copains courageux m’ont dit "heuu, vas-y en premier, on te regarde", alors j’ai fait une première édition en octobre, tout seul sur "Zoom", et... il n’y a pas eu grand monde, mais en revanche d’excellents retours sur l’initiative, notamment de la part des amis en question, sur le fait que le truc avait un vrai potentiel.
Aujourd’hui, ça marche via le logiciel de Streaming Discord [très connu des joueurs de jeu vidéo. NDLR], permettant une émission de flux audio/vidéos simultanés multiples (plusieurs auteurs en même temps) sur le même "serveur", plus facile pour un visiteur qui peux jongler d’un stand/salon (auteur) à l’autre.
Un nouveau public arrive, très frustré par le manque de salon "classiques", mais aussi des expatriés heureux de voir en direct un peu de culture française, des familles ayant renoncé aux salons pour des questions d’enfants trop jeunes, de frais d’hôtels, de restaurants, de prix d’entrée et d’albums sans compter le temps que cela coûte. Là, ils peuvent venir dans un festival depuis leur salon sans devoir mettre en branle une logistique longue et coûteuse...
Nous avons réédité la chose en novembre avec quatre auteurs et pas loin d’une centaine de personnes présentes. En décembre, nous n’étions pas loin de 20 auteurs avec 200-300 Personnes inscrites et des ventes à un niveau correct. On part de rien, on découvre un peu ce type de logiciels, et le "live" sur le Net, donc, on part presque de zéro.
L’avantage, c’est qu’on tire d’un mois à l’autre un retour d’expérience que l’on met à profit rapidement. L’édition de Janvier qui vient de se terminer compte 800 inscrits et 25 auteurs, et un bilan encore à établir, mais visiblement positif pour tous, puisque les commandes et ventes s’effectuent après et avant le salon aussi. »
Ce retour d’expérience est fondamental. Il permet d’améliorer de mois en mois la communication en faisant des vidéos avec les auteurs, des campagnes de mailing ciblées. Avec, à chaque fois, l’arrivée de nouveaux auteurs qui, motivés à ne plus rester dans l’inaction, viennent rejoindre les premiers. En face, les lecteurs sont enchantés de pouvoir discuter en direct avec les dessinateurs dans des conditions sereines : pas de trajet, on est chez soi, sans stress, des deux côtés.
Les festivals de BD traditionnels sont-ils menacés par cette initiative ? Jim sourit : « Par nous, non. Mais par le gouvernement, oh que oui ! À moyen et long terme, je pense que ça pourrait même devenir un complément sans dommages mutuels. Avant, le contact avec les lecteurs, pour nous éditeurs, c’était lors des festivals BD. À présent, c’est via le Net, c’est tout. »
Petit à petit, les lignes bougent…
Voir en ligne : La page Facebook du Festival
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion