On connaît les talents d’historien de David Vandermeulen, un conteur passionné de biographies qui aime travailler sur les racines profondes de nos maux contemporains : alors qu’avec sa biographie de Fritz Haber (4 vol. chez Delcourt), un scientifique qui est le pur produit de la Révolution industrielle, ce sont les fondements même de la Seconde Guerre mondiale et de l’État d’Israël qui s’ébauchent, dans la collection "Romantica", il s’attaque à un moment particulier de la pensée en Europe : le Romantisme.
Mouvement bourgeois par excellence, le Romantisme apparaît d’abord en Allemagne, puis en Angleterre, s’exprimant dans la littérature, la peinture, la sculpture, la musique et même, la politique, puisque le nationalisme en est en quelque sorte issu, mais aussi d’autres théories sociales et politiques comme l’anarchie ou le communisme.
C’est un mouvement culturel de grande ampleur qui intervient en contrepoint du scientisme et du positivisme qui se développent en parallèle entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Le Romantisme prône le sentiment plutôt que la raison, érigeant en valeur esthétique des thèmes jusqu’alors anecdotiques comme les ressources étonnantes du fantastique, la séduction de l’exotisme, la force évocatrice des rêves, les liens étranges entre la volupté et le morbide, l’extase de la foi, la fascination pour l’étrangeté et l’ésotérisme, etc.
L’approche de Vandermeulen est biographique, et en ce sens bien dix-neuviémiste puisque nous nous inscrivons dans l’héritage de Sainte-Beuve : c’est la biographie de l’auteur qui sert d’approche à l’œuvre. Le premier volume de la série s’intéresse à l’Anglaise Mary Shelley, l’auteure de Frankenstein ; le second nous dresse le portrait du poète Adelbert von Chamisso dont le conte L’étrange histoire de Peter Schlemihl ou l’homme qui a vendu son ombre eut une influence déterminante sur la littérature fantastique jusqu’à nos jours. Le troisième tome à paraître en 2015 concernera Gérard de Nerval, un auteur aujourd’hui peu lu mais parfaitement fascinant. Trois auteurs dont la biographie autant que les œuvres sont hors du commun.
Le dessin clair et primesautier de Daniel Casanave évacue toute gravité dans ces portraits d’écrivains, ce qui n’empêche pas qu’il se dégage une certaine mélancolie, et même une tendresse, pour ses sujets. Le format oblong de la nouvelle collection (Shelley était sortit précédemment dans le format cartonné traditionnel) rend justice à son dessin qu’illumine une belle palette de couleurs. Il est bien soutenu par la narration et les dialogues de David Vandermeulen qui manie la plume avec intelligence et brio.
Alors que l’approche des grandes figures de la littérature ou de l’histoire était jusqu’à présent proprement académique, c’est-à-dire sans fantaisie ni audace, cette lecture décalée des figures littéraires, loin du ton scolaire et empesé habituel imposé par la biographie, revivifie le genre et donne envie non seulement d’en lire la suite, mais aussi de voyager dans les œuvres des auteurs dont la vie nous est contée. Une réussite !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lire notre précédent article concernant cette collection : "Les Shelley, pionniers du romantisme"
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