Rencontre atypique quelque part dans le Sud : un gendarme ambitieux se prend de sympathie pour un peintre en deuil. Ils se retrouvent notamment dans une colère qui gronde. Et les évènements se précipitent quand Jimmy, le gendarme, sort de la légalité en menant une enquête en solo. La fuite en avant commence, avec en filigrane les échappées troublantes d’une adolescente, la fille de l’endeuillé.
Une première pour Vivès qui signe le scénario avec un co-auteur étranger au monde de la BD : Martin Quenehen, ancien prof devenu producteur à France Culture. Le sens du récit de Vivès et sa maîtrise du noir et blanc s’allient de belle manière avec la cohérence sociale de cette histoire saisissante.
L’actualité, en particulier la menace islamiste et les tensions sociales, habille d’une touche très réaliste une dérive violente qu’on sent jaillir au bout de quelques pages. L’esthétique du récit s’appuie sur beaucoup de planches muettes, souvent splendides, notamment dans les ambiances nocturnes. On n’échappe pas non plus aux effets typiques de Bastien Vivès : tons de gris d’une grande finesse, mais aussi variété des arrières-plans, dépouillés à l’extrême ou riches de détails. Autre constante, qui peut déranger parfois : des visages sans yeux ni bouche, dans certaines, scènes. Comme une volonté de prioriser le texte, ou le sens des cases...
Malgré une pagination imposante, Quatorze Juillet ne souffre d’aucune baisse de régime. D’autant que les personnages principaux, dans leur mystère et leur violence sourde, fascinent jusqu’à la fin. Et notamment l’épilogue, brillant et sarcastique, ingrédient majeur de tout bon polar.
(par David TAUGIS)
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"Quatorze Juillet" - Martin Quenehen & Bastien Vivès - Casterman - 19 x 28 cm - 11/03/2020 - 256 pages - 22€.