Dix ans après la fin de la Guerre de sécession, certains soldats démobilisés ont rejoint les rangs des hors-la-loi qui parcourent l’Ouest sauvage. Certains d’entre-eux vont devenir des célébrités à l’image des frères Frank et Jesse James. Pour les arrêter, la nation nouvellement unifiée va avoir recourt aux services de l’agence créée par Allan Pinkerton. Ce dernier, accompagné de chasseurs de primes, ramène plutôt morts que vifs quelques-uns de ces redoutés bandits du Far-West. Son nom devient rapidement synonyme de justice et l’agence, ainsi que son fondateur, acquiert une véritable force politique, au point de se substituer à la loi...
Recevant les pouvoirs qui lui ont été conférés par son père, William Pinkerton s’est lancé sur la trace des frères James. Pour lui, tous les moyens sont bons pour arrêter ceux qu’il considère comme de la vermine. Sa chasse le mène à la maison familiale des James dans le Missouri. La prenant violemment d’assaut, usant de moyens plus que limites, il condamne à la mort deux innocents. Le tollé provoqué par cette bavure va forcer le créateur de l’agence à revoir sa stratégie et à œuvrer dans l’ombre afin de faire tomber les plus craints des braqueurs de banques.
Ce récit d’apparence simple joue sur les codes classiques du western mais se place également dans une veine politico-légaliste. On constate que la puissance inaltérable de l’agence l’invite à franchir les limites de la loi pour arriver à ses fins. Allan Pinkerton, est devenu un homme riche et puissant qui a prospéré sur les ruines de l’Amérique post-conflit jouissant, dans sa ville de Chicago, d’un pouvoir démesuré.
On tient indéniablement ici un classique du genre dans sa construction dont la réflexion sur le contrôle du pouvoir judiciaire va loin : elle annonce aussi bien un potentat policier comme J. Edgar Hoover que l’idéologie du self-made man américain.
Jouant sur deux registres clairement marqués, le scénario joue sur le caractère viril des personnages qui règlent leurs problèmes à coup de six-coups, mais aussi, plus finement, de façon moins violente visuellement, sur l’usage insidieux de la manipulation et de la contrainte, armes dont abuse cet ancêtre du FBI. Pinkerton arrive à ses fins grâce à son colt, soit grâce à une conversation bien sentie autour d’un bon whisky et d’un excellent cigare.
Peuplé par des gueules cassées et patibulaires en perte de repères, le dessin relève dans son ensemble le pari de marquer le discours, mais les variations graphiques sont trop nombreuses pour ne pas ressentir une certaine gène, comme un flou.
De même, l’accélération vers le terme du récit apparaît comme une contrainte volontaire afin de ne pas rabâcher la fin déjà connue des deux frères James tués par le lâche Robert Ford. Une décision payante même si la coupure nous apparaît comme violente et le discours en voix off omniprésent. Un album prometteur en dépit de ces petits problèmes au démarrage.
(par Vincent GAUTHIER)
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