Théodore est coincé sur l’île de Ré, en vacances. Coincé, c’est vraiment le terme : alors qu’il s’y trouve avec sa femme et ses trois enfants, il est en pleine tourmente existentielle. Il avait quitté sa maîtresse, avec qui il entretenait une relation depuis trois ans, juste avant de partir en vacances et sans laisser d’explications : furieuse, celle-ci loue une maison non loin de la sienne et vient s’installer chaque jour sur la plage non loin de la famille de Théodore, attendant des éclaircissements de ce dernier. Le tout dans un manque absolu de discrétion. Dans le même temps, ledit Théodore a appris peu de temps auparavant que son père ne l’était pas, et qu’il avait un père biologique, surnommé par sa mère mourante « le chien ». Ce monsieur, Jean-Paul de son vrai prénom, fait le choix de rentrer en contact avec son fils, et, devant le refus de celui-ci, débarque à son tour sur l’île de Ré.
Bref, le cataclysme généralisé est inévitable. On n’est pourtant pas ici dans le domaine du vaudeville, plutôt dans celui de l’introspection d’un quinquagénaire pris au piège de son manque de courage. Pour rendre visibles ses contradictions, Deloupy et Céline Théraulaz ont fait le choix de figurer deux ombres derrière le héros, qui matérialisent ses pensées constamment tourmentées, entre sagesse et fantaisie, entre fantasme et pragmatisme, force et lâcheté. Même s’il est parfois un peu trop répétitif, cet effet graphique permet de dynamiser le récit. Le scénario de Deloupy est extrêmement fluide, tandis que le dessin de Céline Theraulaz, dont c’est seulement le deuxième album, est à la fois expressif et élégant, malgré une mise en couleurs manquant de temps en temps de nuances.
Le récit fait penser aux chroniques douces-amères des films des Podalydès, comme Liberté-Oléron. Après avoir touché ces derniers temps au polar, avec Impact, et au récit d’aventures avec Les aventures de la librairie l’Introuvable, Deloupy s’aventure donc avec succès dans un nouveau registre, avant de publier ce printemps un nouvel album, toujours chez Marabulles, consacré à la guerre d’Algérie.
(par Tristan MARTINE)
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