On fait d’abord la rencontre à Kraków (Cracovie) en Pologne d’un cosaque juif albinos du nom de Ivrahim Golam, mandaté par le prince Potemkine, sur la trace d’un « faux-Messie », comme il y en eut plusieurs dans les milieux piétistes juifs tout au long de l’Histoire. Mais ici l’enjeu semble tellement important qu’il faut absolument détruire toute mention de son existence et pour cela, l’inquiétant personnage va se rendre jusqu’à Constantinople.
Là, il croise à Istanbul (qui n’est alors qu’un quartier de la Sublime Porte) Le Scorpion qui a fini par fuir le nid de vipères de Rome pour retrouver en Orient la Gitane Méjaï qui lui a caché l’enfant qu’elle attendait de lui. Mais celle-ci lui échappe grâce à sa science des poisons et voici que Le Scorpion se réveille avec une accusation de crime sur les bras.
Il est sauvé in extremis de la rigueur de la justice du sultan par un mystérieux eunuque qui travaille pour une magicienne nommée la Sabbatéenne et qui lui propose de retrouver la trace de Mejaï en échange de la traduction d’un nom sur une tablette couverte d’hiéroglyphes. Que recherche-t-elle ? Un trésor ou un secret terrible qui va bouleverser le monde ? Le Scorpion n’en sait rien, mais le marché lui convient. Elle l’envoie en mission à Alexandrie sur les traces de « Tamose l’Égyptien ». Là, il retrouve à la fois le cosaque juif et l’eunuque de la Sabbatéenne. Ils cherchent donc bien la même chose… Son périple le mène bientôt dans la Vallée des Rois.
Les mille et une couleurs de cette histoire fantastique sont sublimées pas le travail graphique de Luigi Critone. Né en 1971 à Sant’Arcangelo, Critone est loin d’être un inconnu : on lui doit La Rose et la croix (Sc. de Nicolas Jarry & France Richemont, 2 vol., Ed. Soleil, 2005 et 2006) ; un album de la série Sept, Sept missionnaires, sur un scénario d’Alain Ayroles (Ed. Delcourt, 2007), le remarquable Je, François Villon d’après Jean Teulé (3 vol. 2011-2017, Ed. Delcourt) pour lequel il reçut le prix Cases d’Histoire, ou encore le récent Aldobrando, sur un scénario de Gipi (2020, Casterman).
Son travail est dans cette tradition du dessin réaliste italien qui le place entre le classicisme sensible d’un Milo Manara et la luminosité moderne d’un Gipi. Sa prise en mains de l’univers créé par Enrico Marini est exemplaire. Pour une fois, la lenteur dans l’avancement de l’intrigue qui est parfois l’un des défauts des scénaristes, est ici une vertu : on peut s’attarder sur les vibrations lumineuses de ses couleurs, sur la justesse de ses regards et de ses attitudes, sur la beauté de ses personnages et de ses paysages...
Certes, Le Scorpion y perd un peu de sa « virilité » première inspirée chez Marini par les comics américains. Mais quel bonheur de retrouver dans cette série aux scénarios plus sophistiqués qu’il n’y paraît une subtilité qui manque très souvent à la bande dessinée franco-belge.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Le Scorpion T. 13 : Tamose l’Egyptien – Pars Stephen Desberg et Luigi Critone – Dargaud – 12€
Concernant cette reprise graphique, lire également l’interview d’Enrico Marini : « J’ai longtemps bloqué sur cet album du Scorpion, car je savais que ce serait mon dernier »
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