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Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo

Par Aurélien Pigeat le 29 janvier 2015                      Lien  
Géant du manga, et alors que sa grande œuvre {Akira} fête les 25 ans de sa parution en France, Katsuhiro Otomo vient d'être consacré 42e Grand Prix à Angoulême, lors du FIBD 2015.

Au printemps 1991, le petit monde des amateurs de cinéma d’animation est en émoi : le film Akira, réalisé par Katsuhiro Otomo lui-même, sort enfin en salle en France et signe l’entrée, pour le public français, dans une nouvelle ère. Car le terrain avait été préparé : un an plus tôt, Glénat avait commencé à sortir le manga, sous forme de fascicules couleur, à partir d’un matériau américain.

Même si bien sûr l’animation japonaise avait déjà été introduite en France, et pas seulement via Récré A2 ou le Club Dorothée, Akira marque chez nous le début de la grande vague du manga et de la "japanim". Et cette vague n’est que le prolongement d’une révolution amorcée au Japon par Katsuhiro Otomo au début des années 1980 et appelée à se poursuivre tout au long de la décennie.

Des débuts à Akira.

Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo
Couverture de Dômu

Katsuhiro Otomo nait en 1954 et se sent très vite attiré à la fois par le manga et le cinéma. Il débute précocement sa carrière chez Kodansha, en 1973, en publiant de nombreuses histoires courtes qui s’orientent peu à peu vers la science-fiction et témoignent d’une certaines maturité dans la représentation de la violence.

Sa carrière décolle véritablement avec Dômu (Rêves d’enfant) , publié en 1983, récompensé du Grand prix japonais de la science-fiction, et que nous découvrirons en France en 1991. Katsuhiro Otomo vient par ailleurs de débuter, à la fin 1982, l’œuvre par laquelle arrive la consécration : Akira. Ce seinen post-apocalyptique fait date dans l’histoire du manga en ce qu’il marque une rupture avec l’héritage de Tezuka, en ce qu’il entérine le passage à un autre temps du médium, un renouveau dans ses choix esthétiques et narratifs.

Le succès est immédiat, à la fois public et critique. Les premiers tomes atteignent 700000 exemplaires dès 1984 et le manga est couronné au Japon par le Grand Prix du manga (catégorie seinen) la même année.

La révolution Akira.

Couverture du troisième fascicule de la première publication d’Akira en France

En 2019, Neo-Tokyo constitue le terrain de jeu favori de jeunes motards en quête de sensations fortes produites par l’adrénaline et les paradis artificiels. C’est que la ville fut détruite presque trente ans plus tôt par une mystérieuse explosion qui marqua le début d’une nouvelle guerre mondiale menée à coup d’armes atomiques.

Tetsuo, adolescent à la dérive, victime d’un accident, devient le sujet d’expérimentation de l’armée japonaise qui mène, depuis longtemps déjà, des recherches pour former des enfants possédant des pouvoirs psychiques. Le récit suit la quête existentielle de Tetsuo d’une part, dont la vie a violemment basculé, et l’aventure de son ami Kaneda, qui tente de découvrir ce qu’il est advenu de son compagnon.

Violent, puissant, futuriste et incroyablement nerveux, Akira aborde de nombreuses thématiques, politiques et sociétales, philosophiques et religieuses. Marqué par le traumatisme d’Hiroshima et par les années d’occupation américaine après guerre, le manga met en scène une jeunesse en révolte, l’échec d’une société matérialiste, remet profondément en question normes et autorités.


Couverture du tome 1 de l’édition noir & blanc

La part du rêve, centrale dans le manga, revêt là une teinte plus sombre et torturée, embraye vers un fantastique à la limite de l’horreur, une science-fiction particulièrement inquiète.

De décembre 1982 à juin 1989, Akira paraît en prépublication dans le mensuel Young Magazine de Kodansha, pour six gros volumes reliés. Des éditeurs américains, puis français, s’emparent du phénomène mais transforment l’œuvre, pensant l’adapter au goût des publics occidentaux.

Ainsi, Akira paraît chez nous d’abord sous la forme petits fascicules, au nombre de 31 et n’allant pas au bout de l’histoire, vendus en kiosque. Ils font rapidement place à 14 volumes cartonnés, en couleur, publiés entre 1990 et 1995, tandis que les boutiques d’import introduisent les volumes japonais en noir et blanc dans les cours des collèges (Glénat sortira ces volumes en 1999-2000).

Une carrière du côté de l’animation.

Affiche du film Steamboy

En parallèle Katsuhiro Otomo s’investit, au fil des ans, de manière de plus en plus prononcée dans le monde de l’animation. Il travaille notamment en partenariat avec Rintaro, au character design d’Harmagedon (1983), avant de se lancer dans l’adaptation d’Akira qui sort en salles au Japon en 1988.

Le film est à son tour un immense succès, au Japon et dans le monde. Son impact est tel que l’on fait souvent coïncider l’engouement, puissant, qu’il a suscité avec l’émergence et le développement de la mangaphilie en France au cours des années 1990. Mouvement cependant, bien sûr, accompagné et soutenu par le succès des dessins animés japonais à la télévision française, avec le Dragon Ball d’Akira Toriyama, prix du 40e anniversaire en 2013, comme figure de proue.

Couverture du tome 1 de Mother Sarah

Après Akira, Katsuhiro Otomo délaisse le dessin pour apparaître désormais essentiellement en tant que scénariste, comme avec Mother Sarah débuté en 1990. Il semble petit à petit s’éloigner du monde du manga et privilégier le domaine de l’animation, signant le scénario de du Metropolis de Rintaro (2001), adapté de Tezuka, accompagne Satoshi Kon sur Perfect Blue, produit des courts métrages, et réalise un nouveau film, Steamboy en 2004.

Il participe également à quelques projets spéciaux, comme la réalisation d’un court métrage, Combustible, au sein de l’ensemble Short Peace en 2013. Plus récemment encore, en 2014, il collabore à la série Space Dandy de Shinichiro Watanabe (Cowboy Bebop) en dessinant certains éléments de design d’un des épisodes.

Katsuhiro Otomo connaît désormais une reconnaissance institutionnelle mondiale : Chevalier puis Officier des Arts et des Lettres en France (2005 puis 2014), entrée dans le Hall of Fame des Eisner Award en 2012, Médaille au Ruban Pourpre au Japon en 2013. Le Grand Prix 2015 s’inscrit dans cette veine et sacre le mangaka au cours de la grand-messe de la BD originellement franco-belge, confirmant ainsi la volonté du FIBD de se faire à présent l’écho de la production mondiale.

(par Aurélien Pigeat)

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Akira ✏️ Katsuhiro Ōtomo
 
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11 Messages :
  • Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo
    29 janvier 2015 20:59, par pierre

    On attend plus la fin du festival pour proclamer le palmarès ? C’est un peu étrange.

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  • Le site en ligne de Libé m’a bien fait rire (commentant le Grand Prix)

    Cette récompense est une grosse surprise, même parmi les éditeurs de mangas, tant on donnait plutôt Hermann (créateur de Cowboy Henk)

    Hermann, Cowboy Henk... Je me prends à imaginer le résultat surréaliste ! http://next.liberation.fr/arts/2015...

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    • Répondu le 30 janvier 2015 à  01:24 :

      Je continue sur mon message précédent -car ça me fout en rogne cette mascarade. On pleurniche un bon coup sur "Charlie". On fait des gros titres et on gonfle la poitrine. Liberté d’expression nom d’une pipe, c’est essentiel bon sang ! Mais au final rien de ce qui se fait en dessins n’est pris au sérieux. Dans des quotidiens à diffusion nationale ! Hermann-Cowboy Henk ?!! Pour de vrai ?! Pour finir en chanson, un bref extrait d’une chanson du Professeur Choron : "Je ne peux pas vivre sans -mon canard au sang"

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  • Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo
    29 janvier 2015 21:28, par fabrice

    Même si Mr Otomo le mérite... Monsieur Hermann le méritais encore plus, Trop con cette académie.... J’arrête la.

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    • Répondu par Mikekafka le 31 janvier 2015 à  14:41 :

      A angoulême, la bd belge est snobée ...

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  • Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo
    29 janvier 2015 21:40, par Romain

    Même si bien sûr l’animation japonaise avait déjà été introduite en France, et pas seulement via Récré A2 ou le Club Dorothée,

    Le premier DA japonais à la télé française c’était Prince Saphir dans La Une est à vous et Samedi est à vous, entre 1973 et 1976. Mais l’explosion du manga c’est avec Goldorak en 1978.

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  • Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo
    29 janvier 2015 23:23, par Sergio SALMA

    Dès la première édition en 1974, il s’agit du festival international de la bande dessinée. Pratt en signe l’affiche et le lauréat l’année suivante est Will Eisner.

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  • Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo
    30 janvier 2015 00:20, par Guillaume Boutet

    Ah Akira, je me souviens de la découverte. Je devais avoir 12 ans et on m’avait prêté la cassette vidéo du film - je connaissais le film de réputation mais je n’avais pas eu l’occasion de le voir au ciné, trop jeune alors.

    Le visionnage du film a été une révélation pour moi, je m’en souviens très bien : J’ai du sortir dehors m’aérer après la fin, car j’avais besoin d’espace pour digérer ce que j’avais vu. Cela ne ressemblait à rien de ce que je connaissais auparavant, une découverte de ce que l’animation pouvait porter au plus haut niveau.

    Ensuite, alors que j’étais âgé de 14 ans, j’ai découvert l’existence des volumes publiés par Glénat. A l’époque 12 volumes étaient sortis et chacun coûtait 93 Francs.

    Mes parents me donnaient à l’époque 100 francs d’argent de poche par mois mais je n’ai pas hésité un instant à mettre tous mes sous dans cette bande dessinée, qui m’impressionna autant que le film, voire plus. Et surtout j’appris avec cette expérience... que lorsqu’il s’agissait de bandes dessinées, l’argent ne comptait pas^^

    Une oeuvre qui a marqué mon imaginaire d’ado et qui y a laissé une trace forte. Et à l’époque ils nous arrivaient avec des amis de hurler comme ça, soudain, "Tetsuo !!!!!!!".

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  • Angoulême 2015 : 42e Grand Prix pour Katsuhiro Otomo
    30 janvier 2015 17:05, par La plume occulte

    Mega gaufrage pour moi qui voyais Charlie Hebdo ou à défaut Hermann Grand Prix. J’espérais plutôt avec plus de conviction que d’illusions ;donc maigre consolation avec le Prix Spécial à Charlie qui permet , comme attendu,au festival de judicieusement botter en touche en contournant la problématique et Hermann qui serait à la deuxième place, ce qui ne change pas vraiment grand chose ,sauf dans l’optique du prochain festival en 2016-pour l’élection du Grand Prix 2014 Otomo était deuxième-

    Bravo à Otomo ,superbe Grand Prix au demeurant ,à l’aura énorme, qui aura marqué de son empreinte le visage du manga bien sûr ,mais aussi le franco-belge par bien des manières et surtout le monde des comics-il a dessiné un court récit de Batman- même si finalement moins que Toriyama ,cet autre géant du genre.

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    • Répondu par Micka le 31 janvier 2015 à  22:26 :

      Mega gaufrage pour moi

      Oui, pour vous et seulement pour vous, mais ce n’est pas la première (ni la dernière fois que vous vous gaufrez plume occulte.

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