Quand j’ai rencontré pour la première fois Nathanael Ejob et Njoka Marvin, c’était il y a sept ans au 9e Mboa BD, le festival de BD de Yaoundé au Cameroun dont ActuaBD était le partenaire. Leur groupe s’appelait déjà Zebra Comics, ils diffusaient leur fanzine en anglais et en français, les deux langues véhiculaires du pays (prenez-en de la graine, les Belges !) et leur équipe nous apparaissait comme l’une des plus professionnelles et des plus dynamiques du festival.
La perspective de réussite nous paraissait cependant limitée à l’aune de la réalité africaine : distribution inexistante, coûts de production et donc prix de vente élevés, peu en phase avec le pouvoir d’achat moyen du pays.
Puis est arrivée la révolution numérique et la possibilité de publier sur le Net…
Une révolution numérique, mais pas seulement
Une révolution qui n’est pas seulement technique et commerciale où l’on a vu s’ériger en quelques années une puissance alors secondaire de la bande dessinée, la Corée, et s’imposer aujourd’hui jusqu’au Japon et en Chine avant de débarquer en France et aux États-Unis : elle est aussi culturelle. Et c’est particulièrement vrai pour l’Afrique.
« La technologie a rendu l’accès à l’information si facile que la prolifération de nouvelles idées est devenue plutôt simple, peut-on lire sur le blog de Zebra Comics. Avec l’influence et la viralité des médias sociaux de nos jours, les nouvelles tendances surgissent à chaque instant, et celles-ci affectent inévitablement le processus de création de bandes dessinées : le succès des bandes dessinées numériques, la popularité et la diversité croissante des bandes dessinées africaines, comme d’autres cultures... »
Créant sa propre plateforme numérique, Zebra Comics propose à des tarifs très abordables un monde de contenus inédits.
Un développement raisonné et étonnant
Le groupe fait le constat que la bande dessinée, quand elle est diffusée sur les smartphones et les tablettes, est très populaire. Parce qu’elle n’est pas chère, mais aussi parce que, créée par des auteurs africains, elle s’adresse aux Africains, parlent de leur quotidien, de leurs traditions, de leurs aspirations, utilise leurs expressions langagières, bref une bande dessinée qui leur ressemble.
Mieux : les nouvelles autoroutes de communication de la bande dessinée (Zebra Comics est diffusé sur sa propre plateforme) permettent leur accès vers des horizons nouveaux. Le Nigeria voisin abrite plus de 219 millions d’habitants, soit trois fois la population de la France. Ils parlent l’anglais, comme nos camarades camerounais. Dès lors, cela devient leur premier marché.
Aux USA, les Afro-Américains lisent aussi l’anglais et se reconnaissent davantage dans les histoires de super-héros africains de Zebra Comics que dans les super-héros blancs en collants du pays de l’Oncle Sam. Enfin, nos amis de Zebra Comics envisagent de lancer une version de leurs BD en portugais brésilien.
Cette activité ne s’arrête pas au numérique, elle investit aussi les librairies. Grâce à des opérations de crowdfunding (financement participatif) sur les marchés nigérian, américain et brésilien, certains de leurs comics sont maintenant publiés en format « papier ». Et ils sont plutôt convaincants.
De nouvelles perspectives
Leur développement ne s’arrête pas en chemin : un rapprochement serait en cours avec la plateforme francophone ONO, filiale de Media-Participations.
Par conséquent, Zebra Comics est aujourd’hui une structure de 21 personnes à temps plein qui développent l’activité.
Un continent nouveau, des créations nouvelles, des histoires inédites... Une culture inconnue s’ouvre à nous ; un marché aussi. À nous d’y trouver les meilleurs vecteurs de dialogue et d’échange.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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