La Cinquième Couche (5c) fête cette année ses vingt ans d’existence. Pouvez-vous nous en résumer les moments forts ?
Xavier Löwenthal : Il y a d’abord eu la création de la maison d’édition. La 5c fut créé lorsque nous étions encore étudiants à Saint Luc et que nous nous étions rendus compte qu’il serait difficile de faire publier nos œuvres telles que nous le voudrions. Nous avons alors créé une structure d’édition qui ne devait être à l’origine qu’un "one-shot", un peu dans le style de la revue Le 9e Rêve. Mais nous avons ensuite réalisé que cette structure devait se pérenniser afin de permettre à nos projets d’aboutir.
Ensuite, il y a eu assez rapidement un engouement pour ce que l’on a appelé "les Indépendants", qui nous a donné une certaine visibilité. Bien sûr, il y avait aussi de nombreux détracteurs qui estimaient que notre démarche nuisait à la bande dessinée en général et que celle-ci devait rester un genre populaire et divertissant. Ils estimaient que depuis que les jeunes auteurs faisaient des écoles d’art que tout avait changé.
Il est vrai qu’avant, le modèle de formation dans la BD proposait l’apprentissage auprès d’un maître pour ensuite s’en émanciper et trouver son propre style. C’était un processus très long. Aujourd’hui dans les écoles d’art, on apprend aux jeunes la littérature, l’esthétique, l’art contemporain et l’art conceptuel. À partir de tout cela, il est devenu difficile de faire de la bande dessinée avec la même approche que jadis et surtout, avec les mêmes ambitions.
Il y a eu aussi des crises dans la bande dessinée, comme celle-ci qui a mis le secteur dans une grande difficulté à cause de la saturation du marché, ce qui a donné envie aux éditeurs traditionnels de loucher vers la BD indépendante et de nous emboiter le pas, car ils s’étaient rendus compte qu’une niche s’était créée. Ils ont alors commencé à éditer des BD de témoignage, de l’auto-fiction, des reportages, etc. Des genres qu’ils ne publiaient pas avant et qui étaient un peu notre chasse gardée.
En tant qu’éditeur de BD indépendante, vous intéressez-vous à la rentabilité ?
Xavier Löwenthal : C’est toujours problématique chez tous les éditeurs indépendants... Je devrais plutôt dire :"comme tous les éditeurs", car en dehors de Media-Participations qui est un groupe industriel, tous les autres éditeurs ont une rentabilité aléatoire qui est faible. En ce qui concerne la 5e Couche, nous dépendons beaucoup des subventions de l’État, sans lesquelles nous ne survivrions pas, même si elles sont bien insuffisantes.
Les auteurs vident surtout de la vente de leurs originaux. Nous subsistons grâce aux ventes des livres et de la diffusion-distribution. Pour le reste, vous devez savoir que chez les Indépendants, personne ne vit de ça. Nous avons tous un métier à côté.
En collaboration avec la galerie Petits Papiers du Sablon, vous proposez une exposition consacrée à l’auteur finlandais Tommi Musturi. Que mettriez-vous en avant pour encourager le public à découvrir cet auteur qui est considéré comme une référence dans son pays ?
Xavier Löwenthal : J’ai découvert l’œuvre de Tommi Musturi grâce à sa traductrice Kirsi Kinnunen qui est une personne importante de la scène éditoriale finlandaise ; car elle traduit non seulement les auteurs BD de son pays mais aussi les romans. C’est une femme très proactive car en plus de traduire des œuvres, elle démarche aussi les éditeurs étrangers afin de leur proposé d’éditer les auteurs finlandais, en fonction de leurs tendance et personnalité. Elle fait un travail remarquable. Nous avons donc découvert Tommi ainsi, avant qu’il ne devienne cette figure incontournable de la scène finlandaise.
Tommi Musturi est une force de travail immense car en plus d’être éditeur auprès de plusieurs maisons d’édition, c’est un auteur prolifique et un commissaire d’exposition. C’est une personnalité singulière qui nous a impressionnés et comme nous fonctionnons au coup de cœur, nous avons décidé d’éditer ses œuvres en Belgique et en France. Nous avons commencé par le premier, Monsieur Espoir, et les autres ont suivi.
Enfin, nous avons découvert grâce à lui d’autres auteurs finlandais que nous avons décidé d’éditer. Étonnamment, il n’y a pas de marché de la BD en Finlande, alors que l’on y trouve une scène très vivante ! Je pourrais citer également Marko Turunen qui est édité chez Frémok, par exemple.
Revenons sur les 20 ans de 5c. Qu’avez vous prévu pour cet anniversaire ?
Xavier Löwenthal : Nous publierons "D’Eux", un ouvrage-anniversaire dans lequel nous avons demandé à tous les auteurs que nous avons publiés depuis le début de cette aventure de produire deux planches, à quatre mains. Ce qui donne des planches réalisées avec leurs enfants, avec leurs voisins, etc.
Ce livre sera présenté au mois d’octobre, lors de la fête d’anniversaire que nous organiserons au théâtre Varia, à Bruxelles. Durant cette fête, qui devrait durer toute la nuit, nous avons prévu des concerts car nous avons des auteurs de BD qui sont aussi musiciens. Il y aura aussi une exposition qui durera un mois dans le même théâtre.
(par Christian MISSIA DIO)
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Expo Tommi Musturi dans la crypte du 11 avril au 28 avril
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