Est-ce que vous avez travaillé sur le nouveau Musée d’Angoulême ?
Quand j’ai quitté mes fonctions au Musée d’Angoulême en 2001, j’avais déjà rédigé le projet scientifique et culturel du nouveau Musée de la bande dessinée dont nous pensions qu’il ouvrirait dans les deux ans ou les trois ans qui suivent. Mais à l’époque, le projet était d’ouvrir dans le bâtiment Charbonneau, pas dans les chais. Entre-temps, ceux-ci ont été réhabilités, il s’est passé beaucoup de choses, et voilà !
Par rapport à ce projet culturel et scientifique qui avait été validé par la Direction des Musées de France et par les autorités locales, il y a un certain nombre de choses qui ont été conservées. Par exemple, le fait de mettre des îlots de lecture à l’intérieur même du musée, alors qu’avant celle-ci n’était possible que dans la bibliothèque attenante. Autre élément retenu : la section qui explique la fabrication d’une bande dessinée afin de permettre au néophyte de comprendre à quoi correspond la planche originale. C’était un manque évident de l’ancien musée qui avait été pointé. Je constate que cela a été fait. Si un certain nombre de choses sont issues du profil de mes préconisations, d’autres ont évidemment évolué, le lieu n’étant pas celui qui a été prévu.
Depuis, vous avez travaillé sur le Musée Hergé…
Plus précisément, j’ai travaillé pendant un an sur le projet du Musée Hergé, en 2002, c’est-à-dire l’année suivant mon départ du CNBDI et sept ans avant que le Musée Hergé n’ouvre ses portes. A la demande de Fanny et Nick Rodwell, nous avons travaillé à trois pendant un an. -Il y avait Joost Swarte, Philippe Goddin et moi-même- à réfléchir à ce que pourrait être le parcours d’un Musée Hergé : ce que l’on montrerait dans l’exposition permanente, dans quel ordre, à travers quel dispositif, pour quoi dire et à quel public. On a élaboré deux documents. D’une part un scénario pour le Musée, d’autre part un cahier des charges technique qui a été remis à l’architecte Christian de Portzamparc. C’est sur cette base qu’il a travaillé. Mais à partir de 2003, je n’ai plus été associé à rien du tout ! Philippe Goddin non plus d’ailleurs : il n’y a plus que Joost Swarte qui a continué à travailler.
Pour avoir visité le Musée, je peux dire qu’il n’y a strictement plus rien qui correspond aux dessins que Joost Swarte avait faits. La raison est qu’une autre personne est passée derrière, le scénographe Winston Spriet, avec un esprit complètement différent. J’ai été assez surpris de voir que si, au niveau du scénario, environ 80% de nos préconisations avaient été reprises, tout ce que nous avions imaginé, en revanche, au niveau de la muséographie, a disparu. Notre version avait beaucoup plus de fantaisie. Comme le visiteur déambule d’une salle à l’autre, chaque salle devait ménager une surprise, au lieu de se ressembler, comme c’est le cas ici. Si nous appelions cela un « scénario », c’est parce que, pour moi, la visite d’un tel musée doit se parcourir comme une histoire, avec des rebondissements, une dimension ludique, spectaculaire. Toutes nos suggestions ont été gommées, il reste le contenu, avec d’autres principes muséographiques que je trouve personnellement un peu tristounes, pour les enfants en particulier. C’est dommage. Je pense que la quête de la respectabilité a été la plus forte.
Vous avez rédigé le catalogue du Musée d’Angoulême : La Bande Dessinée, son histoire et ses maîtres.
C’est Gilles Ciment, le directeur de la Cité, qui m’a demandé si je voulais bien m’atteler à la rédaction de ce catalogue. L’idée était de reprendre un livre existant paru en 2000, Astérix, Barbarella et compagnie, une histoire de la bande dessinée francophone, de le remettre à jour, et de le compléter par trois textes complètement inédits, à savoir un texte équivalent à la première partie sur l’histoire de la bande dessinée.
On a donc pour la première fois dans le même livre une histoire comparée de la tradition francophone d’un côté, et de la tradition américaine de l’autre.
À cela s’ajoutent deux autres parties plus courtes, Les maîtres du trait qui est une réflexion d’ordre esthétique sur le dessin et les grandes écoles de la bande dessinée, et puis une partie plus technique, L’atelier du dessinateur sur l’élaboration d’une bande dessinée. Ces deux parties correspondent à deux salles du musée. On suit la structure du musée de ce point de vue. Évidemment, l’iconographie est en grande partie renouvelée et la maquette est différente. C’est un livre d’un million de signes alors que je partais de 350.000 au départ. En revanche, je ne suis responsable que d’un quart des notices d’œuvres, les autres ont été partagées avec les autres membres de l’équipe scientifique du Musée.
Propos recueillis le 20 juin 2009.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Thierry Groensteen par D. Pasamonik (L’Agence BD).
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