Délicat de résumer cet album, presque sibyllin où le lecteur, en miroir du personnage principal, est en proie à une véritable perte de repères. Dans ses rêves, René.e fait la rencontre d’un esprit non-binaire, d’une sorcière mangeuse d’hommes, d’oiseaux planteurs de graines. Il se métamorphose et devient fille, chatte, fleur... Ce monde imaginaire, tout droit sorti des propres songes de son autrice, laisse la nature reprendre ses droits et s’élève contre une norme imposée.
C’est un récit qui met en valeur la porosité et la transformabilité du genre, mais aussi de ce qui nous entoure, comme l’environnement.
Difficile de saisir toute la complexité de ces divagations chatoyantes : il faut accepter, comme dans un rêve, de se laisser porter par la vision d’Elene Usdin, qui nous entraine dans un conte aux références multiples où un monstre Baconien côtoie des créatures tout droit sorties d’un film de Miyazaki. Ce beau volume est une ode au droit à la différence, s’élevant contre la suprématie de la culture blanche américaine et la toute puissance du consumérisme. L’autrice nous entraîne dans une histoire qui l’habite depuis plusieurs années, mise de côté faute de temps et d’une trame pour lier les éléments. Puis elle découvre le drame des adoptions forcées des autochtones au Canada, un sujet qui l’a particulièrement émue. C’est ce qu’il manquait pour assembler ses rêves, les contes et les références qu’elle a réinterprétées.
Ayant préparé un story-board très précis, Elene Usdin a pu directement peindre ses planches sans passer par des crayonnés. Elle utilise un mélange de plusieurs techniques : gouache, aquarelle, parfois crayons de couleurs... Ces techniques lui permettent de travailler en transparence, en laissant apparaître les erreurs, mais aussi d’aller vite. En travaillant les doubles pages selon la même gamme chromatique grâce à un fond uniforme, l’artiste leur donne une homogénéité et une fluidité à la lecture.
Elene Usdin est une artiste protéiforme : diplômée des Arts Décoratifs de Paris en 1998, elle débute comme peintre pour le cinéma, illustratrice de presse et de livres jeunesse. Avec René.e aux bois dormants, elle s’essaye avec succès à la BD. L’autrice ne devrait pas s’arrêter là puisqu’elle travaille actuellement sur un autre projet de roman graphique avec son fils.
Une première BD et déjà auréolée de belles distinctions : Grand prix de la critique ACBD, Prix Artémisia Révélation graphique, Elene Usdin s’impose comme une artiste à part entière du 9ᵉ art. À suivre donc.
(par Thelma SUSBIELLE)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
René.e aux bois dormants - Elene Usdin - Sarbacane - 23 × 31 cm - 272 pages - 32€
Retrouvez l’exposition "René.e aux bois dormants" à la Galerie Barbier (10 rue Choron, Paris) jusqu’au 12 février 2022.
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