Camille de Toledo est l’un de nos meilleurs écrivains. Son septième roman, Thésée sa vie nouvelle (Ed . Verdier) faisait partie de la liste des Goncourt. Il vit à Berlin, comme le dessinateur russe Alexander Pavlenko, avec qui il a fait un autre album de BD remarqué : Herzl, une histoire européenne, (Ed. Denoël Graphic).
Cette fois, il s’attaque à un monstre de la littérature européenne : Isaac Babel (1894-1940), l’auteur des Contes d’Odessa, né dans cette ville et fusillé par les sbires de Staline. Enfant, il découvre les pogroms. Poursuivant ses études, il apprend le français et admire Flaubert et Maupassant, et commence l’écriture. Maxime Gorki le repère. Après la Révolution d’Octobre de 1917, il intègre l’Armée rouge. Mais il suit comme d’autres le chemin de ces juifs menchéviques qui vont être laminés par le régime bolchévique puis stalinien. Après avoir échappé de peu aux premières purges des années 1930, il est arrêté sur dénonciation et finit fusillé. Bon nombre de ses manuscrits sont perdus.
Toledo imagine une histoire-gigogne - dont les parties s’emboîtent comme des poupées russes- où les époques s’entrechoquent : celle de la pègre d’Odessa qui bascule en faveur des « rouges », celle de l’arrestation d’Isaac Babel et celle d’une lettre-testament qu’il adresse à sa fille.
Tant dans sa construction que par son graphisme -qui rend pour partie hommage à Frans Masereel- Le Fantôme d’Odessa est une œuvre forte dont Camille de Toledo nous parle avec une profonde et intelligente érudition. Les images d’Alexander Pavlenko -qui sait ce qu’est « l’âme russe »- cognent. Associés aux mots de Toledo, ils tuent le silence. Incroyable rencontre.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
(par François RISSEL)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Une interview vidéo de Didier Pasamonik et François Rissel. Montage : Cédric Munsch.