Voilà trente ans que vous réalisez des Pin-ups, quel a été votre parcours pour vous spécialiser ainsi ?
J’ai toujours été aussi passionné par le dessin que sensible à la beauté des femmes. Les dessiner est donc venu naturellement. Après un passage aux beaux-arts, j’ai approfondi les techniques de dessin et peinture par des études personnelles. C’est en 1991 que les choses se sont précisées. En recherchant de la documentation pour mes dessins, j’ai fait la rencontre de Jean Pierre Fy, libraire spécialisé dans l’érotisme ancien et la pin-up.
C’est suite à cette rencontre que je décidai de faire de la pin-up mon thème central de travail. J’ai étudié de plus près les classiques américains comme Gil Elvgren ou George Petty et j’ai découvert la richesse du thème à travers les objets d’art populaires que sont les affiches, les couvertures de livres, les magazines et autres éditions.
Dès que j’ai commencé à exposer mon travail, j’ai eu la chance qu’il rencontre un public de collectionneurs et aussi de collectionneuses. Certains suivent mes travaux fidèlement depuis des années. Après tout ce temps, je ressens de la gratitude car c’est grâce à leur reconnaissance que j’ai pu continuer à peindre.
La pin-up dessinée possède sa propre histoire, tracée au début sur le fuselage des avions, si je me trompe pas. Comment expliquer qu’elle ait perduré jusqu’à nous ?
Parce qu’ elle existait avant qu’on invente le mot pin-up ! Elle touche à quelque chose d’intemporel, une représentation de la femme rendant hommage à sa beauté, son charme, avec une pointe d’érotisme, d’humour et de poésie sentimentale. C’est le secret de la pin-up : elle a du cœur. Et cela, on ne s’en lasse pas.
Quel est selon vous le rôle de la pin-up ? Charmer sans être vulgaire ? Faire rêver le lecteur ?
Cela peut même être plus vaste que cela, vous évoquiez plus haut le « nose art » pendant la guerre, elle avait clairement là une fonction de protectrice, de porte-bonheur, descendante directe des figures de proue des navires anciens. J’aime aussi l’expression « the girl next door » : la fille d’à coté. Une camarade, amicale et proche, qu’on respecte. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas juste une fille sexy ! La dimension sentimentale est essentielle.
La Pin-up doit-elle selon vous conserver son style des années 1940-1950 pour être crédible ? Ou pouvez-vous la faire évoluer ?
Bonne question ! Je me repenche dessus régulièrement depuis des années. C’est pour moi un vrai défi car la connotation 1940-50 est très puissante. J’arrive maintenant à faire émerger des personnages de pin-up bien contemporaines tout en continuant aussi à travailler les classiques. Et le mélange des époques est possible. Regardez comment certains illustrateurs ont décliné des pin-up aussi bien dans la science-fiction que dans des contes médiévaux. Les univers Steampunk ou gothique s’y prêtent bien aussi. N’oublions pas que nous sommes à FantasyLand !
Vous aviez déjà réalisé une première compilation de vos dessins chez Paquet en 2018. Comment cette collaboration a-t-elle pris forme ?
Le plus simplement du monde, j’ai proposé aux éditions Paquet d’éditer mes collections de pin-up et cela les a intéressé. Le premier tome présente surtout des aquarelles et le second des silhouettes découpées. Ce sont mes deux techniques de prédilection, les tomes suivants continueront cette alternance.
Quelles sont les différences entre vos deux techniques ?
Les aquarelles me permettent des mise en scène avec décor. J’en édite une série chaque année en petit calendrier, en abordant différentes thématiques. J’aime beaucoup l’aquarelle pour sa fraîcheur et sa luminosité.
Les silhouettes découpées que je réalise à l’acrylique sur contreplaqué me permettent de travailler des grands formats, jusqu’à une grandeur nature, et de pousser plus loin la finesse des rendus. La silhouette découpée focalise l’attention sur la présence du sujet tout en l’intégrant directement dans le décor où il est exposé. Les silhouettes grandeur nature offrent en outre une relation au spectateur naturellement intime, immédiate. Je trouve la silhouette découpée particulièrement bien adaptée au thème de la pin-up.
Comment diversifiez-vous les thématiques que vous abordez par le biais de vos dessins ? Travaillez-vous suivant des modèles ?
Chaque dessin a sa propre histoire. Il peut m’arriver de partir d’une vision plus ou moins précise dans mon imaginaire et de la mettre en forme sur le papier. Pour préciser certains éléments, je peux alors faire poser un modèle ou utiliser des documents. Parfois, je pars directement d’un modèle, d’une séance de pose, sans idée préconçue simplement parce que je suis touché.
Pour les illustrateurs, l’apparition d’Internet a complètement changé les méthodes de travail, c’est une mine d’or et trouver de la doc est devenu beaucoup plus facile. Presque trop ! On peut s’y perdre. D’autre part, je dispose d’une documentation importante : Paris - Hollywood, Mayfair, revues américaines années 1950 /60, magazines de mode, catalogues de lingerie, livres sur les peintres et les illustrateurs, bandes dessinées, etc.
Comment utilisez-vous cette documentation dans vos réalisations ?
Si je ne recopie jamais une photo telle quelle. En revanche ; j’utilise souvent plusieurs documents que je recombine. Par exemple : un pour l’éclairage, deux ou trois pour la pose, pour un visage ou un regard, un autre pour un vêtement ou une coiffure, une complémentaire pour l’ambiance colorée…. Un jour, mon point de départ pour une pin-up a été la magnifique photo d’un champignon : une coulemelle pour être exact ! Je pars aussi bien d’un projet très précis au départ que de rien du tout et là, c’est en dessinant que le projet apparaît.
Enfin, les années de pratique me permettent d’avoir à ma disposition une « banque d’images » intérieure. Ce que je trouve le plus amusant, c’est la convergence de toutes ces différentes sources qui va permettre à chaque fois l’apparition d’un nouveau personnage.
Quelle est votre méthode de travail ? On peut retrouver certains crayonnés dans vos albums, et après vous les peignez à l’acrylique ou à l’aquarelle ? Ou les crayonnés plus aboutis ne servent-ils que de croquis pour vous assurer de l’intérêt de l’équilibre du sujet afin de passer à une réalisation sur toile ?
Les deux, mon capitaine
Quant aux originaux, les destinez-vous toujours à des calendriers ou fonctionnez-vous sur commande ?
Depuis que j’ai commencé à exposer et vendre mon travail, j’ai régulièrement des commandes spécifiques pour la décoration , la communication ou l’édition. Ce qui me permet d’alterner entre les travaux de commande et la création de collections personnelles que j’expose dans les salons et les galeries.
Qu’envisagez-vous dans le futur : prolonger vos recherches en peinture ou voudriez-vous tenter la bande dessinée ?
Je travaille actuellement sur un album de bande dessinée, « Le Betty Bar » avec les éditions Paquet. Je réalise les planches originales en grand format, en couleur directe, encre de chine et aquarelle. Ce sera un one shot qui devrait être prêt en 2022. Bien sûr, il mettra en scène des personnages pin-up ! On ne se refait pas.
Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion