Pang Bangben, pouvez-nous parler un peu du comité que vous présidez ?
Il rassemble 20 personnes, des éditeurs, des entrepreneurs, et est chargé de discuter des orientations des œuvres destinées à la jeunesse.
Le lianhuanhua est donc considéré comme destiné à la jeunesse... Dans quelles circonstances ce comité a-t-il été créé ?
Quand les mangas japonais ont commencé à être édités en Chine, il y a eu beaucoup d’éditions pirates d’œuvres qu’on pensait ne pas être présentables pour la jeunesse. Le gouvernement s’est alors inquiété et il y a eu la constitution du comité.
Nous prônons une visée éducative, pas seulement de divertissement.
Votre comité œuvre au sein de l’Association des Artistes chinois. Est-ce à dire que le lianhuanhua est considéré en Chine comme un art, au même titre que la peinture ou la littérature ?
Non, on ne peut pas dire ça. Il y a différents niveaux. Le lianhuanhua est une expression populaire, même si de grands artistes en ont fait.
Dans les années 1920, le lianhuanhua commence à se développer à Shanghai. Comment était-il perçu par les intellectuels novateurs de l’époque, je pense à particulier à Lu Xun ?
A ce moment-là, le lianhuanhua était couramment nommé « xiaorenshu ». Il y a deux sens possibles à ce nom : soit « livre pour petits hommes », donc « livre pour enfants » ; soit « livre avec des petits hommes » à cause de la taille des personnages dans les images.
Il y avait des vendeurs de rue à Shanghai. Les enfants pouvaient venir là et louer les livres.
Pour Lu Xun, le lianhuanhua s’adressait donc aux enfants ou aux gens sans grande culture. Les intellectuels qui animaient la revue Nouvelle Jeunesse s’en réjouissaient car ils pensaient que cela pouvait aider les illettrés, leur apporter une éducation.
En fait, le lianhuanhua s’est surtout développé après la fondation de la République Populaire de Chine, en 1949...
Oui, et ceci pendant cinquante ans.
Il faut comprendre que jusqu’au début des années 1980, il n’y avait pas de marché de l’art en Chine. Il n’était donc pas possible, ou pas facile, de vendre ses œuvres personnelles.
Comme le paiement pour le lianhuanhua était correct, pas énorme, mais correct à l’époque, de nombreux artistes se sont tournés vers le lianhuanhua pour gagner leur vie.
C’était aussi un moyen d’être connu pour eux ?
Oui, car il y avait très peu de magazines à l’époque. Il y avait Lianhuanhua Bao, consacré au lianhuahua et Dazhou Dianying, consacré au cinéma. C’est tout.
Alors, pour être un artiste connu, il fallait faire un bon lianhuanhua et le publier dans Lianhuanhua Bao.
Que s’est-il passé dans les années 1980 ?
Le marché de l’art s’est ouvert. Des ventes aux enchères sont apparues.
Alors, de nombreux artistes de lianhuanhua se sont engouffrés dans cette brèche. Ils pouvaient gagner plus d’argent tout en mettant en avant leur expression personnelle.
J’ai rencontré des collectionneurs de lianhuanhua qui déplorent que de grands auteurs, aient changé de style dans les années 1980.
Ces collectionneurs sont des nostalgiques. Ils pensent que plus c’est vieux, mieux c’est. Mais je crois que leurs idées sont limitées, car l’art n’est pas fait pour les collectionneurs. Il faut qu’il vive, qu’il y ait du changement.
Pour vous, de quand datent les meilleurs lianhuanhua ?
Des années 1980, parce qu’il y une grande variété dans les styles et les histoires. À ce moment-là, les artistes ont un esprit plus ouvert et ils combinent diverses influences artistiques.
Vous êtes vous-même auteur. Quel est le style de vos œuvres ?
J’ai toujours fait des adaptations d’œuvres littéraires occidentales.
Le lianhuanhua est-il en déclin aujourd’hui ?
C’est vrai que la production est aujourd’hui peu importante. C’est dommage, car les bons artistes ne veulent plus faire du lianhuanhua, et ceux qui en font ne sont pas de très bons dessinateurs.Et puis surtout, il n’y a pas assez de bons scénaristes.
Mais je ne dirais pas qu’il s’agit d’un déclin, plutôt d’un changement. Il y a un développement intéressant. De jeunes artistes combinent des influences occidentales ou japonaises et le lianhuanhua.
Cela peut donc être un nouveau départ. En fait, je suis plutôt optimiste.
(par Yohan Radomski)
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Merci à Li Cui pour l’interprétariat et à Sun Juan pour son aide.
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