Pourquoi avez-vous choisi de traiter préférentiellement Florence par rapport à d’autres villes ?
J’ai été contacté au début du projet éditorial entre Lonely Planet et Casterman. Le concept me tentait, mais j’ai demandé à pouvoir me centrer sur une ville du sud de l’Europe et accessible en train. Je ne suis effectivement pas un grand fan de l’avion, pas besoin de vous faire un dessin ! J’aime effectivement beaucoup l’Italie, et comme deux des plus grandes villes touristiques que sont Venise et Rome étaient déjà prises par les guides de Pratt et Martin, j’ai choisi Florence qui me convenait parfaitement, autant dans une voie artistique qu’architecturale !
Pourquoi Florence particulièrement, et pas Naples ou Palerme ?
Maintenant que vous m’en parlez, j’aurais peut-être préféré Naples qui est une ville plus vivante que Florence, devenue presque un musée à plein air. Mais je pense que Naples est moins touristique, et comme le projet est bien de réaliser un guide spécial pour les visiteurs, il fallait remplir tous les objectifs.
Dans vos représentations, vous avez choisi de dessiner des éléments incontournables, mais d’autres moins…
Au départ, je pensais que j’aurais pu réaliser une sorte de carnet de voyage, en toute liberté. Puis je me suis rendu compte qu’effectivement, je ne pouvais déroger aux centres d’intérêt touristique de la ville. Il y a donc des dessins que j’ai réalisés sur site et qui finalement ne correspondaient pas réellement aux promenades du guide. C’est pour cela que nous les avons regroupés en fin de volume, dans un cahier graphique.
Pour cette exposition que vous présentez, vous avez réalisé des dessins complémentaires qu’on ne trouve pas dans le guide ?
Tout-à-fait, car mes dessins sont généralement assez petits ; c’est un format de travail qui me convient bien et que j’apprécie. Mais pour les besoins de l’exposition, j’ai réalisé deux plus grands formats, sans doute les pièces maîtresses qui reprennent les deux courants que j’ai abordés dans le guide.
Dans une part de vos dessins, on retrouve votre univers, à la fois poétique et légèrement surréaliste, tandis que pour d’autres, vous demeurez plus ‘classique’…
Effectivement, j’ai représenté les touristes américains visitant les bâtiments, ainsi que d’autres petits décalages par rapport au réel, mais je ne pouvais me ‘lâcher’ ainsi sur chaque dessin. Ce serait devenu totalement indigeste, et nous serions passé à côté du but du guide : illustrer les promenades. Toutefois, j’avoue m’être sans doute plus amusé sur ces dessins-là ! Rétrospectivement, j’aurais aimé dessiner plus de touristes à casquette et pesant 120 kgs ! (rires) Toutefois, il y a un grand intérêt de se concentrer uniquement ces bâtiments et ces ambiances. Dessiner cette architecture a été de vraies vacances, car c’est un plaisir sans cesse renouvelé. À côté de mon style en bande dessinée, je trouvais intéressant de mettre ma vision personnelle en retrait, pour retrouver un dessin plus ‘simple’, c’est-à-dire utiliser des systèmes pour représenter une réalité. Cela suit d’ailleurs ma démarche actuelle.
Vous voulez sortir de l’imaginaire pour vous pencher vers une autre vision du réel ?
Actuellement, je suis fasciné par un peintre nommé David Hockney et son rapport à la réalité. Sa démarche est complexe, mais on peut la résumer ainsi : j’ai quelque chose devant moi, comment vais-je la représenter avec les instruments que je possède ? C’est donc un ensemble de techniques différentes pour donner à chaque fois une part de ma vision globale.
Récemment, vous avez pourtant encore varié énormément les modes d’expression : un dessin plus fouillé mais poétique dans Salvatore, l’illustration de textes pour L’Orgue de barbarie, presque un carnet dans Le Journal d’un fantôme…Vous avez besoin d’explorer de nouvelles voies de narration ?
Pour moi, c’est la seule chose qui soit intéressante ! Sinon, c’est l’ennui qui pointe directement le bout de son nez. J’ai besoin de renouveler constamment les systèmes, qu’ils soient graphiques ou narratifs.
Vous avez pourtant presque enchaîné deux Salvatore d’affilée. C’était l’envie de finir cette épopée ?
En réalité, j’aurais préféré expérimenter une recherche plus radicale pour un autre album, telle que Prosopopous, mais l’inspiration n’est pas venue. J’ai donc terminé le dernier Salvatore pour garder la main avec une narration plus classique en bande dessinée tout en réalisant les dessins de Florence, l’un me reposant de l’autre. Pour la suite, j’attends donc toujours l’inspiration pour un prochain album ! (rires)
Mais avez-vous encore envie de continuer la bande dessinée, ou cette exposition vous permet-elle de vouloir toucher un mode représentatif plus défini ?
Concernant un prochain en bande dessinée, cela devient difficile, car il faut s’engager sur 60 ou 80 pages. C’est un investissement assez lourd, et comme j’ai déjà essayé pas mal de voies différentes, je ressens un souci de renouvellement sur ce média. Je pense qu’il y a des moyens autres que la bande dessinée pour s’exprimer en dessin. J’ai déjà réalisé quelques très grands dessins que je n’ai pas encore montrés pour l’instant. On s’éloigne pourtant de l’illustration. Par exemple, j’aime beaucoup ce que fait Jockum Nordström. Ce sont de grands dessins à l’aquarelle ou au fusain, mais qui se rapproche plus de l’art contemporain. Le dessin peut donc être entier sans être lié à l’illustration. C’est également ce que j’apprécie chez David Hockney comme j’en parlais précédemment : la vision partagée avec les éléments dont je dispose. Pour moi, c’est un des plus grands dessinateurs du XXe siècle. Mais pour ma part, je suis toujours en recherche. On verra où cela me mènera…
(par Charles-Louis Detournay)
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Nicolas de Crécy :
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