Peut-on dire que vous vous êtes mué en aventurier du quotidien par les chroniques de votre activité de jardinier et ses aspects concrets : les mains dans la terre, ou pratiques : guides sur les plantes... ?
Oui, dans la mesure où celle-ci est fondée sur six ans d’expériences de ma vie quotidienne et de jardinage ! Bien sûr, j’y ai traité de mes expériences concrètes. J’y ai en même temps ajouté certaines anecdotes, afin de conférer au tout plus de caractère ou de « couleur ».
Certains messages portent sur des émotions et des notions compréhensibles de tous, confinant à l’universel. Vous y mêlez aussi quelque chose de plus spécifique à la Corée ?
Le problème environnemental est universel. Néanmoins, au début, franchement, je n’y avais pas pensé, pour ne me rendre compte qu’au fur et à mesure l’avoir abordé ! En réalité, tout a débuté pour ce qui me concerne par une démarche individuelle. Mais en arrivant en France, j’ai été surpris que les gens de l’agriculture s’intéressent tant à mon livre ! Quant aux spécificités coréennes, précisons que je suis né à Séoul, une grande ville d’environ vingt millions d’habitants. Jusqu’à ce que je déménage, je n’en avais pas réellement pris conscience, avant de le faire dans le cadre de mon travail…
À la lecture, on se rend compte de l’action thérapeutique procurée, une forme de renaissance...
Évidemment ! À travers la création de cette œuvre, j’ai constaté que beaucoup de choses avaient changé en moi… Se livrer au jardinage, d’abord, c’est pour manger… Je m’étais habitué aux aliments achetés au supermarché, mais j’ai constaté que les légumes que je cultivais moi-même, c’était complètement autre chose ! J’ai ainsi réussi à découvrir le secret de la nature : ce que la nature nous donne, c’est important !
Pour avoir été auparavant déconnecté de la nature par votre vie en milieu urbain, avez-vous d’autant mieux ressenti le besoin de renouer avec elle ou le rythme des saisons, dont vous vous faites l’écho ?
Je vais vous en donner deux illustrations.
En premier lieu, à côté de mon immeuble, il y a une grande montagne et c’est en pratiquant le jardinage que j’ai le mieux découvert le changement de ses couleurs au printemps ! Au préalable, quand j’habitais à Séoul, je n’arrivais pas à identifier les changements de couleurs, même au printemps.
Dans un second temps, je vais vous parler de la graine de laitue. Elle est très légère. Mais, une fois plantée dans la terre, la force de cette petite graine pour pousser apparaît alors incroyable. Elle peut pousser malgré la pierre ! J’ai pu découvrir de la sorte la force de la nature !
À vous écouter, l’écologie ne résiderait pas dans un utopique retour en arrière. Elle peut devenir un vrai mode d’épanouissement par rapport aux contraintes de la vie actuelle…
Pour moi, le plus important ne réside pas dans le fait de devoir marcher vers l’avant ou de devoir reculer.
Il faut bien comprendre ce que l’on perd au nom de la civilisation et de la société de consommation et redécouvrir – je le redis - l’importance de la nature.
Par exemple, à Séoul, il n’est pas facile d’avoir la possibilité de marcher sur la terre ! Car tout est asphalté. Mais si on sort de Séoul, on commence à pouvoir le faire et on ressent déjà autre chose.
Vos deux ouvrages démontrent votre aptitude à dépeindre les sensations éprouvées pendant votre activité de jardinier. Ont-elles influé sur vos choix en tant que dessinateur, tel celui de recourir à une technique proche de l’aquarelle afin de les retranscrire sur le papier ?
Hormis ma pratique déjà aguerrie de la bande dessinée lorsque je m’y suis attelé, je peux dire que mes expériences dans le jardinage et la montagne vue depuis mon immeuble, déjà évoquée, m’ont beaucoup inspiré !
Pour conclure, pouvons-nous dire un mot d’un autre livre de votre cru, que votre éditeur, Akata, se propose de publier bientôt en version française ?
Il s’agit d’un ouvrage paru en 2013 en Corée, dont le titre se réfère au dipneuste, un poisson qui peut respirer à l’aide d’un poumon autant qu’avec des branchies. Il se fonde cette fois sur mon expérience de l’élevage des poissons rouges vieille de vingt ans. J’y lie cette dernière au thème de gens traumatisés par des problèmes issus de l’enfance, surmontés à la fin grâce à l’amour.
(par Florian Rubis)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Remerciements à M. Myung-yul Kim pour la traduction
En médaillon : portrait de Min-ho Choi à la librairie Aaapoum Bapoum (Paris)/© 2014 Florian Rubis
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