Rappelons au lecteur que vous avez créé l’univers de Tessa avec Nicolas Mitric, avant de continuer à le développer dans 42 Agents Intergalactiques et Ultime Étoile (suite et fin de la précédente série de Soleil parue chez Clair de Lune). Quels étaient vos objectifs initiaux ?
Initialement, Nico [Mitric] avait imaginé trois cycles de 8 tomes. L’idée, et l’envie du spin-off m’est venue lors de la réalisation du tome 2 de Tessa.
Pour crever l’abcès d’entrée de jeu, on se rappelle que certains lecteurs avaient fait un rapprochement entre votre série Tessa avec Sillage alors que les univers des deux séries étaient très différents. Vous aviez abordé le sujet directement avec Jean-David [Morvan] ?
Cet abcès a été crevé à de multiples reprises, mais ressurgira toujours, je crois. C’est étonnant, ceux qui attaquent toujours là-dessus sont les mêmes qui pleurent parce que Tessa s’arrête. Pour moi, c’est réglé depuis que j’ai répondu publiquement à l’attaque frontale que Tessa, et donc les auteurs et l’éditeur, avaient dû affronter dans un album des Chronique de Sillage. Ça m’avait blessé. Les attaques de certaines personnes me blessent encore, mais c’est comme ça. Le fait que je sois passé sur d’autres choses a beaucoup à voir avec ce rapprochement. J’avais besoin de montrer ce que pouvait aussi réaliser le « mec qui avait pompé Nävis ».
Avec du recul, vous comprenez que l’irruption d’une jeune femme agent intergalactique dans une grosse maison d’édition concurrente ait pu provoquer cette comparaison ?
On avait notre histoire, qui n’a rien à voir avec celle de Sillage. Reste la ressemblance entre les deux miss. Que dire sinon que les influences doivent être communes. Tessa, pour moi, est un mix entre Jessica Alba, Ellen page, et c’est avant tout ma Kitty Pride à moi. Cette histoire a gâché presque tout ce qui a été positif sur l’aventure de Tessa. Et si j’avais pu continuer la série, je ne l’aurai pas fait pour ces raisons. Même si j’aurais adoré continuer !
Jean-David Morvan s’est excusé, pour cette histoire courte dans les chroniques, et nous avons depuis lors des échanges très cordiaux. Je m’entends d’ailleurs très bien avec plusieurs membres du 510 [1] : pour moi, c’est réglé. Des lecteurs aimeront toujours faire des rapprochements, parfois pertinents, parfois aux fraises, parfois pour faire un compliment, parfois pour remuer la merde. C’est comme ça. Entre les auteurs et les éditeurs, ça se passe bien, c’est le principal. À la fin, il ne peut en rester qu’une. Nous tirons donc notre révérence, avec panache je l’espère. Je regarde vers l’infini, et maintenant au-delà.
Pour revenir à Tessa, les tomes se sont succédés de manière intense pour le lancement de la série, avant que vous ne proposiez ces voies de traverse avec 42 AI. Ce qui a eu pour conséquence d’espacer les albums de Tessa, tout en maintenant une cohérence narrative. Si l’on pouvait revenir en arrière, referiez-vous chronologiquement les mêmes choix de publication sur ces séries, ainsi que sur les autres albums sur lesquels vous avez travaillés ?
Oui et non. Non, car commercialement, se concentrer sur Tessa aurait été plus judicieux. Oui, car je m’en foutais du commercial, je voulais tester de nouvelles choses. Et aussi me détacher de la comparaison dont on a parlé plus tôt. Je suis également câblé comme ça : je touche à tout, très vite, tout le temps. J’ai la chance de dessiner vite. Autant en profiter. Humainement, l’aventure des 42 AI a été superbe. Bosser avec des amis, sur notre univers, c’était génial (Merci à eux) ! Suite au rachat de Soleil par Delcourt, plusieurs spin-off ont été arrêtés. La plupart, d’ailleurs. Mais j’ai reçu le feu vert pour terminer dans une autre maison les deux tomes qui manquaient pour clôturer 42 AI. L’éditeur de Clair de Lune a dit banco, et je l’en remercie, car c’était très compliqué d’accepter de finir une série qui n’avait pas débuté chez lui. Concernant la cohérence narrative, depuis le début, ce rôle m’est revenu. j’étais un peu le Père Fouras de Nico. Lui réalisait son scénario, et à moi de vérifier s’il n’y avait pas de couacs avec 42 AI. Ça a été passionnant !
Ce tome 7 vient donc conclure cette aventure de plus de dix ans. Aviez-vous d’emblée imaginé les grandes étapes de la série de Tessa, ainsi que cette conclusion surprenante que les lecteurs peuvent découvrir dans ce dernier récit qui vient de paraître ?
Je réponds en lieu et place de Nico car c’est lui l’architecte de la série. Il a pensé l’ensemble de façon globale, dès le début. Il a juste intégré les évènements de 42 AI qui l’intéressaient. Ainsi, Nitar, Djébriil et Ari sont devenus des protagonistes importants de la série-mère. Nico aime dire qu’il construit ses histoires comme de gigantesques parties d’échecs, avec des coups prévus bien longtemps à l’avance. C’est une force, et un véritable talent car étant moi-même scénariste, je peux vous assurer que c’est une mission infernale quand on s’engage sur une série qui va s’étaler sur 10 ans !
Pour rappel, le tome 6, première partie de ce diptyque final, se déroulait majoritairement au Québec, dans un festival de bande dessinée. A l’opposé, ce tome 7 se situe en dehors de la Terre. Est-ce que vous aviez volontairement imaginé cette dichotomie ?
Tout à fait. Un des points important de Tessa, depuis le début, c’est que c’est l’histoire d’une adolescente terrienne ordinaire plongée dans un conflit intergalactique extraordinaire. Pour conclure, il semblait important de mettre en regard ces deux facettes, et de donner dans le tome 6, pour une fois, le premier rôle à la vie terrienne. La conclusion plus grande que nature du tome 7 n’en semble que plus épique !
Ce dernier tome parait également plus punchy et plus dense que le précédent, est-ce volontaire ? Un reflet de tout ce que vous avez voulu y mettre pour ne pas avoir de regrets ? Ou la volonté de fermer tous les pistes qui étaient encore ouvertes ?
Tout cela à la fois. Il est plus punchy pour les raisons que je viens d’expliquer : et cela se passera sur Terre : pas d’Aliens surpuissants se battant contre des Dieux grecs. Forcément, le tome 7 met une claque, en regard. Fermer les portes ouvertes au fil de la série était un impératif aussi, car Nico, comme moi, détestons les série inachevées. Étant nos premiers lecteurs, nous voulions également que le public finisse ces aventures à nos côtés sur quelque chose de carré, propre, sans questions ouvertes. Qu’ils en aient pour leur argent en somme. Et avec les 7 tomes 42/Legacy, les lecteurs auront le plaisir d’avoir 14 tomes cohérents, nous l’espérons en tous cas ! Perso, j’adore me rendre compte, à la fin d’un série, que tout s’imbrique comme un Tétris (Nico évoque plus les échecs, je parle de Tétris), et que tout était pensé dès le début !
Demain, la suite de cette interview...
(par Charles-Louis Detournay)
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Concernant Tessa, lire notre chronique du premier tome, ainsi que notre articles concernant les tomes 2 et 3 de 42 Agents Intergalactiques.
Lire également notre précédente interview de Nicolas Mitric : "Didier Crisse m’a fait un super cadeau en me confiant l’univers de Kookaburra."
[1] NdR : L’atelier dont font partie les auteurs de Sillage.
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