Vous êtes le dessinateur de Shi, une série que vous menez avec Zidrou. Comment est né ce projet ?
Josep Homs : Il y a près de dix ans, j’ai collaboré avec Zidrou sur un projet qui s’intitulait La Vieille Dame qui n’avait jamais joué au tennis et autres nouvelles qui font du bien, un album publié chez Dupuis. Il s’agissait de notre première collaboration commune mais à l’époque déjà, nous parlions de continuer notre collaboration sur un projet plus long. Mais après La Vieille Dame..., j’ai enchaîné avec le diptyque L’Angélus de la série Secrets de Frank Giroud, toujours pour les éditions Dupuis.
C’est à cette époque que Zidrou m’a parlé de Shi pour la première fois. Il s’agit d’un projet sur mesure pour moi, car Zidrou a vraiment pris le temps de sonder mes envies et le genre de récit que je souhaiterais mettre en images. Nous avons commencé à démarcher les maisons d’édition mais mon éditeur chez Dupuis m’a rattrapé car il souhaitait me confier le dessin d’un projet éditorial très important : l’adaptation BD des romans Millénium. Zidrou s’est non seulement montré compréhensif mais en plus, il m’a même encouragé à accepter la proposition de Dupuis car il s’agissait d’une belle opportunité pour booster ma carrière.
Néanmoins, nous avons continué de peaufiner la série Shi en parallèle de nos engagements respectifs. Nous avons pris notre temps jusqu’à ce que le résultat nous satisfasse tous les deux.
Mais qui a vraiment eu l’idée de Shi ?
Disons que Shi constituait pour moi l’occasion de vraiment exprimer mes envies scénaristiques. Zidrou et moi avions passé en revue nos coups de cœur au niveau du cinéma, de la littérature et de la BD. Je lui ai parlé de mes passions pour l’époque victorienne, la culture japonaise, mon envie de dessiner des femmes, etc. Zidrou a soigneusement noté toute ces informations pour me proposer le scénario idéal.
Shi se déroule sur deux époques. D’abord la nôtre, dans laquelle nous suivons le PDG d’une multinationale de l’armement dont la famille est victime d’un double attentat perpétré avec ses propres armes, par une mystérieuse organisation nommée “Shi”. Et dans un second temps, le destin de Jennifer et Kita, deux jeunes femmes vivant dans l’Angleterre victorienne. Elles viennent d’univers complètement différents mais la mort d’un enfant et la soif de vengeance les réunit. Elles signent leurs actions vengeresse de l’idéogramme “Shi”... Vu la différence d’époque des deux histoires, pourquoi n’avez-vous pas proposé un traitement graphique différent pour chacune des intrigues ?
J’ai abordé le dessin de cette série de manière naturelle. Je connais bien l’époque victorienne. Il s’agit d’une période sale, sordide et cela devait se ressentir dans le dessin. Surtout, les événements de l’époque victorienne expliquent le complot qui se trame à notre époque. Du coup, il n’était pas nécessaire de changer le style graphique pour raconter les deux histoires. D’ailleurs, nous avons fait un gros travail sur la lisibilité de la série, afin que les lecteurs ne soient pas perdus.
Vous avez aussi fait du comics, il me semble ? Vous avez animé la série Red Sonja ?
Effectivement, j’ai également travaillé pour le marché américain et je dois dire que faire des comics a été une bonne école pour apprendre la narration en bande dessinée. Le format des planches est plus petit mais il y a un gros travail de production car il faut fournir 22 planches chaque mois. Il faut donc être efficace pour raconter l’histoire de la meilleure manière possible, malgré les contraintes. Et puis, il y a un certain canon à respecter lorsque l’on fait des comics. Un dessinateur débutant tel que je l’était à l’époque ne pouvait pas trop s’éloigner des balises imposées par le genre comic book. Mais c’est une grande école pour la narration et pour la mise en scène de l’action.
Le plus important lorsque l’on fait une BD, que ce soit du franco-belge, du manga ou du comics, c’est la narration et la qualité du story-board. Au fond de moi, j’avais aussi gardé l’espoir de travailler un jour pour le marché BD franco-belge car ce sont ces albums là qui m’ont fait rêver lorsque j’étais enfant. Ils m’ont donné envie de faire ce métier.
En 2013, vous avez collaboré au hors-série de Orbital. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
Oui en effet, j’ai travaillé sur le hors-série de Orbital. C’était à l’époque où je devais commencer le boulot sur Millénium. Mais comme tous les contrats n’étaient pas encore signé, Dupuis m’a proposé de réaliser quelques planches pour cet album spécial, en attendant.
J’imagine que vous vous êtes rendu en Suède, comme la plupart des dessinateurs qui travaillent avec Sylvain Runberg ?
Oui, je me suis rendu en Suède pour faire des repérages en compagnie de Sylvain Runberg. Je savais déjà que ce serait lui qui adapterais Millénium en BD.
Millénium est un best-seller qui a connu plusieurs adaptations au cinéma, dont une réalisée par David Fincher. Nous avons tous en tête les images de ces films, surtout de Lisbeth Salander, même ceux qui n’ont pas lu les livres ou vu les films. Comment vous y êtes-vous pris pour créer votre propre univers graphique pour l’adaptation BD de ces romans ?
Il y avait une condition très claire pour nous, Sylvain et moi, vis-à-vis de l’éditeur. C’était d’avoir les coudées franches sur cette adaptation en BD. Nous ne voulions pas travailler avec la pression des ayants droit et des éditeurs sur nos épaules, sinon nous aurions fait du mauvais travail. Nous aurions produit une sorte de “Frankenstein” qui n’aurait plu à personne et qui nous aurait frustré, nous les auteurs. Et puis, l’éditeur m’avait aussi donné des garantis d’être maître à bord, de me laisser la liberté de proposer le style graphique qui conviendrait le mieux à ce projet, de travailler de chez moi, etc.
J’ai aussi pris la décision de ne pas regarder les films adaptés des romans, car je ne voulais pas que ma créativité soit contaminée par leurs images. Surtout qu’à l’époque, l’adaptation de David Fincher venait de sortir au cinéma. Je me suis simplement contenté de lire les romans et de créer l’univers à partir de cette source là uniquement. Travailler sur Millénium m’a permis de proposer une oeuvre d’auteur sur une licence qui est devenue mainstream.
Sylvain Runberg nous avait confié que c’est vous qui lui aviez suggéré le nom de Belén Ortega pour le spin off Millénium Saga. Est-ce vous aussi qui aviez proposé le nom de Manolo Carot (Man) comme second dessinateur sur Millénium ?
C’est l’éditeur qui a proposé les noms des dessinateurs. Et oui, je connais Man personnellement. Je me suis dit que ce serait plus facile de travailler avec lui car nous habitons la même ville, ce qui facilite une collaboration. Toutefois, la décision finale revenait à l’éditeur. Man a fait quelques travaux, qui ont convaincu Dupuis. On m’a consulté pour le choix d’un second dessinateur sur Millénium mais c’est Dupuis qui a tranché.
Quels sont vos prochains projets ?
Pour le moment, je travaille sur la suite de Shi. Le T.4 qui devrait paraître fin 2019, clôturera le premier cycle de l’histoire.
Voir en ligne : Découvrez la série "Shi" sur le site des éditions Dargaud
(par Christian MISSIA DIO)
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