Vous adaptez donc en bande dessinée les courts métrages animés de votre émission Jaadtoly [1], période bleue !
Frédéric Jannin : Ce premier tome reprend les classiques avec les deux chiens devant leur écuelle, mais nous nous sommes rapidement rendus compte qu’un album complet avec les mêmes images risquait fort de provoquer une indigestion.
Stefan Liberski : Nous avons donc ajouté des inédits et des sorties de thèmes avec des personnages humains. Bien entendu, nous souhaitons alors repasser de l’autre bord et adapter ces inédits à la télévision.
Via ces deux chiens philosophes, vous dévoilez les thématiques qui vous interpellent quotidiennement ?
Liberski : Nous ne sommes sûrement pas les premiers à donner les paroles à des animaux pour décortiquer les travers des humains, d’autres en font leurs succès, comme Monsieur de la Fontaine, ou Geluck.
Jannin : Des grèves aux séries télé, nous nous recentrons plus sur les petites choses de la vie, qui nous chatouillent les narines.
Liberski : À chaque fois que Frédéric et moi évoquons les phénomènes de l’actualité, on pense directement à le traduire en sketch ou en dessin.
Jannin : Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que des histoires écrites il y a dix ans collent toujours formidablement à l’actualité, et que nous n’avons du en écarter que quelques-unes.
Vos dessins animés profitaient d’un tempo caractéristique, composé de blancs, et d’un comique visuel propre. Comment vous êtes-vous adaptés à la bande dessinée, où le lecteur décide seul des pauses qu’il fait lors de sa lecture ?
Jannin : Ce qui assez rare et qui fait notre plus gros avantage, c’est que le dessin animé existait antérieurement. Bien entendu, ceux qui connaissaient les personnages et leurs caractéristiques se placeront d’eux-mêmes dans cette traduction des séquences. D’ailleurs, personne ne pourra nous dire : « Les voix des chiens dans la BD ne collent pas du tout avec ceux du dessin animé ! » Cela avait été une des grosses critiques qu’Hergé avait essuyées après le premier film de Tintin : certains lecteurs lui reprochant ne pas avoir pris les voix qu’ils ‘entendaient’ en lisant les albums ! (rires)
Liberski : Nous nous sommes beaucoup penchés sur cette question des silences, si caractéristiques du dessin animé. Il était bien entendu impossible de placer une case muette entre chaque dialogue, cela serait vite devenu ridicule. On suppose donc que le lecteur trouvera son juste tempo pour se plonger dans ces albums.
Dans le même sens, ces petites saynètes sont souvent drôles en elles-mêmes, mais la chute, que vous caractérisez en disant ‘Gag’, risquent de nouveau de déstabiliser le nouveau lecteur ?
Jannin : Nous ne voulions pas changer la première recette, car dans ce cas, aucun ancien téléspectateur ne s’y retrouverait. Puis, nous espérons que ces nouveaux lecteurs pourront également bientôt découvrir les animés, et donner une autre dimension à leur lecture.
Liberski : Nous avons bien entendu tout fait pour qu’on puisse facilement rentrer dans ces histoires sans connaître la précédente version. Nous avions aussi pensé glisser dans un premier temps un DVD pour accompagner ce premier tome, mais in fine, cela ne s’est pas fait.
Sans doute une discussion que vous avez eue avec votre éditeur. A ce propos, comment s’est réalisé la concrétisation de cette série d’albums, avec Luc Pire ?
Janin : Nous avions le projet de sortir cela il y a quelques années chez Casterman.
Liberski : Mais c’était le moment où ils changeaient rapidement de politique éditoriale pour reprendre pied, et après un temps d’attente, nous avons repris nos billes afin cet album ait une chance de voir le jour.
Jannin : Bien sûr, nous nous sentons très bien chez un éditeur qui publie Dubus & Pierre Kroll [2], et qui ne fait pas que de la bande dessinée, car cette série est à cheval sur plusieurs genres. Cela renforce également l’aspect ‘belgitude’ mais sans s’y limiter !
Luc Pire : Comme on parle de moi, j’en profite pour intervenir ! J’étais déjà un fan de Jannin comme dessinateur, mais encore plus de ses séries télévisuelles : j’ai beaucoup d’admiration pour ce groupe et son humour si spécial, car ils s’aventurent sur des sujets osés, tout en restant très fins. En tant qu’ancien publicitaire, j’apprécie bien entendu la critique qu’ils font de la publicité. J’espère que les fans des différents milieux (littéraire, cinématographique, BD et télévisé) vont s’additionner pour profiter de cette série. C’est d’ailleurs un des rares albums à profiter d’un tel merchandising à sa sortie !
Vous avez donc signé pour plusieurs tomes !
Jannin : Il est effectivement prévu de faire au minimum quatre albums des chiens bleus, et encore plus si le public en redemande. Cette sortie sera annuelle et on peut déjà voir l’évolution naturelle des personnages sur l’ensemble du premier tome !
L’éditeur Luc Pire : Pour moi, ils ont un talent fou, mais il faut toujours un peu de temps pour s’imposer. Je n’ai découvert Calvin & Hobbes qu’au tome 5, et j’ai tout de suite acheté les quatre premiers, pour avoir maintenant la collection complète des 20 albums. J’espère qu’on trouvera rapidement le public, les premiers signes sont très positifs.
Liberski : À l’occasion de leur nouvelle formule, nous sommes d’ailleurs en discussion avec le quotidien La Libre Belgique pour leur fournir un strip original par jour, à côté de leur éditorial.
En même temps que l’album, différentes requêtes connexes sont donc arrivées à point nommé !
Jannin : La Biscuiterie Dandoy cherchait un dessin pour illustrer sa Saint-Nicolas [3] Étant plongé dans Froud & Stouf, je lui ai proposé les deux chiens, et elle a directement décidé de faire une "coucouque" spéciale, et sa boîte accompagnée de sa confiture de spéculoos. Bruxelles BD 2009 approchant à grand pas, c’était également l’occasion pour cette vitrine du centre-ville de se rapprocher de l’actualité. Dans le même style, nous avons ainsi eu l’occasion de nous intégrer dans le parcours BD de Bruxelles, en signant prochainement une fresque à quelques mètres de la Grand Place. En lien avec l’association Dessine-moi un soleil, qui œuvre pour les droits des enfants et que j’accompagne depuis plusieurs années, on peut déjà se procurer ce dessin en tirage signé et numéroté.
Liberski : Nous avons aussi eu l’occasion de réaliser l’étiquette du dernier millésime du vin portugais de Niepoort, le Douro. Chaque année, il sollicite un pays et un auteur lié à celui-ci.
Et vos autres projets ?
Jannin : Bien entendu, le second tome de Malaise Vagal, et le cinquième de Que du Bonheur ! Et depuis peu, la sortie des intégrales de Germain et nous.
Liberski : Je viens de terminer un pamphlet sur le cinéma. Avec le soutien de la Communauté française, je prépare un film, dont le titre provisoire est Lonely Women, et je suis également en voie d’adapter au cinéma le roman d’Amélie Nothomb, Ni d’Eve, ni d’Adam.
Jannin : D’un autre côté, pour Jaadtoly, nous faisions nous-mêmes les musiques, et nous avons toujours l’envie de réaliser un album ensemble, mais c’est surtout le temps qui nous manque.
Liberski : Loin d’être schizophrène, passer du cinéma à l’écriture, voire à la musique, c’est à chaque fois se retrouver en vacances et prendre beaucoup de plaisir à ce que l’on fait.
Jannin : Comme je passe de la radio au dessin, c’est notre manière de fonctionner. Même si je trouve que Stefan est plus courageux, car il parvient à passer six mois sur un projet. De mon côté, je suis plus bondissant !
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Commander :
le premier tome de Froud & Stouf sur Internet
la boîte de coucouques à la Biscuiterie Dandoy
la bouteille de vin numérotée chez Niepoort
la reproduction numérotée de la fresque au profit de l’association Dessine-moi un soleil (25 €)
Les photographies sont © CL Detournay.
[1] Après avoir co-créé et participé aux Snuls, des Nuls à la Belge, les deux comiques ont animé pendant quatre ans une émission hebdomadaire sur Canal + Belgique, J’Aime Autant de T’Ouvrir Les Yeux, soit J.A.A.D.T.O.L.Y. !
[2] Deux célèbres dessinateurs de presse belge.
[3] Grand Saint, Patron des enfants, chéri par le Plat Pays.
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