Quel est votre parcours ?
Francis Porcel : Lorsque j’étais petit, je dessinais beaucoup. Je faisais beaucoup de caricatures de mes camarades de classe, ce qui m’a permis d’être un peu plus populaire. Je n’étais pas très bon en sport mais le dessin m’a aidé à me faire accepter des autres enfants. J’ai ensuite continué à travailler mon dessin et les techniques de narration en créant de nombreux strips. Durant mon apprentissage, je me suis rendu compte de ma différence car en discutant avec d’autres dessinateurs, j’ai découvert que ceux-ci se limitaient à ne dessiner que des personnages, tandis que moi, je dessinais aussi des décors, tout en essayant de gagner en lisibilité. C’est cela qui m’intéresse vraiment : la narration. Proposer des récits qui susciteront de l’émotion chez les lecteurs.
Qu’aviez-vous fait avant vos albums chez Dargaud ?
J’ai réalisé un album en Espagne, livre pour lequel j’avais écrit le scénario. Avec le recul, je trouve que ce n’était pas très bon. Pourtant, grâce à cette BD, j’ai pu travailler ensuite avec Dargaud. Il ne suffit pas d’être un bon illustrateur pour faire de la BD, il faut réaliser plusieurs albums pour maîtriser l’art de la narration.
De quoi parlait cette BD ?
La BD s’appelait La Cité des morts. C’était un récit steampunk que j’avais réalisé lorsque j’étais étudiant à l’école de BD de Barcelone. En Espagne, il n’y a qu’à Madrid et à Barcelone - surtout à Barcelone - où l’on peut étudier la BD. D’ailleurs, mon ancienne école organise chaque année pour ses étudiants, un voyage à Angoulême pour leur faire découvrir les réalités du métier d’auteur de BD.
Ensuite, vous êtes entré en contact avec Dargaud ?
Oui. J’avais rencontré Yves Schlirf, l’éditeur de Dargaud Benelux. Il a vu ma BD, il m’a dit que ce n’était pas très bon mais que je pouvais quand même lui envoyer mes travaux, chose que j’ai faite. Suite à cela, il m’a proposé le projet Reality Show (Médiacop) de Jean-David Morvan. Il n’avait pas de dessinateur et en voyant mes travaux, il s’est dit que mon travail pourrait convenir pour cette série. Et j’ai accepté.
Dans Reality Show, vous abordiez la question de la téléréalité et de la robotique dans nos vies.
Oui, c’est une série que nous avions faite il y a dix ans mais qui est plus actuelle que jamais par les thèmes qu’elle aborde. Surtout en Espagne où la télévision ne diffuse que de la merde.
Suite à cela, vous avez rencontré Zidrou avec qui vous travaillez aujourd’hui.
C’est mon ami Jordi Lafèbre - dessinateur de Lydie et des Beaux Étés - qui me l’a présenté. Le contact avec Zidrou a été d’autant plus facile qu’il parle espagnol. Nous formons une bonne équipe Zidrou et moi. Je l’ai rencontré en Belgique mais depuis, nous passons beaucoup de temps ensemble. Nous nous rendons visite, allons à la piscine. Je connais également son épouse.
Votre première collaboration s’est faite avec le one-shot Les Folies Bergère. Comment est né ce projet ?
J’avais très envie de raconter une histoire sur la Première Guerre mondiale. Je suis très fan du travail de Jaques Tardi. J’avais déjà commencé à me renseigner sur cette période bien avant de commencer à travailler sur la BD. Vous savez, on ne parle pas beaucoup de cette guerre en Espagne. On parle d’Hitler, de Franco mais on ne parle presque pas de ce conflit. Pour moi, ce conflit se distingue de la Seconde guerre mondiale car il n’y a pas vraiment de bons ou de mauvais. Il y a eu beaucoup d’atrocités durant cette guerre. Et puis, c’est aussi l’apparition de nouvelles machines de combat. C’est un peu toutes ces raisons qui m’ont poussé à m’y intéresser. J’ai proposé le sujet à Zidrou et il a dit oui. Comme nous nous connaissons bien, il m’a écrit une histoire vraiment sur mesure.
Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de Bouffon ?
Le Bouffon, c’est une représentation de la souffrance que peut ressentir un enfant à cause de sa différence. C’est un sujet qui me touche beaucoup car j’étais un enfant et un adolescent assez renfermé. J’avais un peu de mal à me faire des amis, je n’étais pas le genre de garçon sur qui les filles se retournaient. L’adolescence est une période difficile, surtout lorsque l’on est mal dans sa peau. On a l’impression d’être dans un long tunnel mais on se rendra compte qu’au bout, il y a la lumière. Lorsque l’on est petit, personne ne te dit quelle est la réalité de la vie. C’est un apprentissage que nous faisons tous. Il y a des bons moments mais aussi des coups durs. Et les coups durs sont souvent vécus de manière dramatique. C’est facile de critiquer mais je pense qu’il faut apprendre à voir la vie comme un verre à moitié plein.
Comment définiriez-vous votre style graphique ?
Je ne sais pas. Je dessine comme je le sens. J’aimerais bien que quelqu’un analyse mon style pour me dire si j’appartiens à un genre particulier. Et puis, mon style change à chaque fois pour s’adapter au récit que je dois illustrer. Entre Reality Show et les Folies Bergère, mon dessin a beaucoup changé. Dans cet album, j’avais adopté un style plus torturé.
Voir en ligne : Découvrez Chevalier Brayard sur le site des éditions Dargaud
(par Christian MISSIA DIO)
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Crédits photos : DR/Dargaud
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