Erik De Graaf est né le 1er juillet 1961 à Vlaardingen en Hollande, une cité qui jouxte le port de Rotterdam. Il réalise ses premières BD en 2003, ayant dès sa prime jeunesse été frappé par le mouvement de la Ligne Claire lancé par Joost Swarte. C’est le trait d’Yves Chaland qui retient son attention. Le Néracais devient son idole. Il publie son seul album francophone, Jeux de mémoires, au... Canada, sous le label des éditions de la Pastèque.
Jeux de mémoire raconte les souvenirs d’enfance de l’auteur chez ses grands-parents et sur la côté belge où sa famille est en villégiature. Il capte ces courts instants poétiques de son trait esthétisant, dégageant une nostalgie simple et bonhomme, tout en rondeur.
Erik De Graaf commence à faire son trou en France. Il a été invité aux dernières Rencontres Chaland de Nérac et au Festival International de Turnhout où nous l’avons rencontré.
Comment êtes-vous venu à la bande dessinée ?
Comme tous les enfants, je lisais Bob & Bobette, Lucky Luke, Astérix mais quand je suis arrivé aux Beaux-arts à Rotterdam dans les années 1980, un de mes camarades me fit découvrir la bande dessinée de Joost Swarte, d’Ever Meulen, d’Yves Chaland, de Serge Clerc, de Ted Benoît,… C’est un nouveau monde pour moi. À ce moment, j’ai commencé à collectionner les bandes dessinées de ces auteurs en particulier.
C’est une bande dessinée qui fait référence à une BD plus ancienne. Vous aviez ces références-là aussi ?
C’est drôle parce que c’est à travers ces auteurs que j’ai découvert Franquin, Hergé ou Jijé ! C’est peut-être différent chez bien d’autres gens mais pour moi, c’est cet ordre : Chaland, Clerc, Benoît, Torrès... Je collectionne Franquin et Tillieux ensuite.
À partir de quel moment vous mettez-vous à la bande dessinée ?
Depuis très longtemps, mais j’étais très occupé par mon travail de designer. À la sortie des Beaux-arts, j’étais entré dans une agence de publicité. Au bout de quatre ans, j’ai rejoint une agence de design spécialisée notamment dans le packaging. C’est encore mon métier aujourd’hui. Vers la fin de l’année 2000, j’ai fait un burn out. Je travaillais trop, avec beaucoup de responsabilités. Cela m’a mis sur le flanc pendant six mois. À ce moment, j’ai décidé que je devais me consacrer à quelque chose qui me faisait plaisir, qui compensait le stress de mon travail.
La bande dessinée a donc été pour vous une thérapie ?
Cela a commencé comme cela, c’est vrai. Mais je faisais ces bandes dessinées pour moi, pour ma famille, pour quelques amis... Mais, un jour, je les ai montrées à un ami de la librairie Yendor qui a été naguère éditeur de BD à Rotterdam qui m’a proposé de me présenter à l’éditeur Oog & Blik, Hansje Joustra. Je n’étais pas très chaud car j’étais très incertain de mon travail. Mais il lui a téléphoné et deux semaines plus tard, je me trouvais chez cet éditeur qui a aussitôt proposé de me publier. Nous sommes en 2003, Verbleekte herinneringen (Mémoires aveugles) sort en Hollande, premier de trois ouvrages dont le livre publié aux éditions de la Pastèque constitue une compilation.
Comment arrivez-vous aux Éditions de la Pastèque au Québec, c’est votre éditeur hollandais qui fait le lien ?
Non, pas du tout. J’avais le contact avec Jean-Bernard Lauze, le webmaster du site francophone consacré à la ligne Claire Klarelijn International. Il a été le premier à m’interviewer en France, il y a deux ans. Il m’a encouragé à publier mon livre en français et m’a présenté l’éditeur de La Pastèque et quelques autres. L’éditeur québécois s’est révélé le plus enthousiaste. C’est bizarre de se faire publier en français par un éditeur canadien.
J’ai publié un nouvel ouvrage en Hollande, Scherven (Éclats), toujours chez Oog & Blik en coédition avec De Bezige Bij. Cet album devrait sortir dans sa version française à la Pastèque également en septembre 2012, de même qu’en Espagne.
C’est une histoire d’amour sur fond de Deuxième Guerre mondiale en Hollande, partiellement basée sur l’histoire de mon oncle. Une relation amoureuse entre un soldat et une jeune fille juive qui se perdent de vue au début de la guerre et qui se retrouvent après celle-ci, en 1945, devant une tombe. Ils se racontent leur histoire respective. C’est très dramatique.
Votre dessin est très simple, schématique, très design somme toute... Vous vous revendiquez du "style atome" et de la "Ligne Claire". Quelle est votre définition de ce mouvement ?
Les images en sont claires et lisibles, élégantes et aisées à comprendre. L’élégance est fondamentale dans ce style, chez Chaland comme chez Serge Clerc. Je suis designer et de ce fait sensible à la qualité graphique. Dans mon premier ouvrage, je suis peut-être même trop graphique, j’utilise probablement trop de plans rapprochés. Mais dans mon prochain album, je crois que j’ai trouvé le juste équilibre.
Quelle technique utilisez-vous ?
Crayon et plume sur papier. La couleur est faite à l’ordinateur. J’utilise un filtre pour donner un aspect "vintage" à l’ensemble. Même le trait est retraité, il y a comme un grain. Dans cette histoire, j’utilise différentes palettes de couleurs. L’après-guerre est en couleurs, avec une dominante grise et morne, la guerre est sépia, l’avant-guerre est en noir & blanc.
Quel accueil avez-vous eu en France ?
Plutôt bon. J’ai été invité aux Rencontres Chaland en octobre dernier à l’initiative d’Isabelle Chaland-Beaumenay, sans doute par l’intermédiaire de KlareLijn International ou du Club des Amis de Freddy. Je me suis retrouvé entre François Avril et Serge Clerc, je n’en reviens toujours pas.
La Ligne Claire a-t-elle encore une pertinence aujourd’hui ?
Oui, je pense. Car lorsqu’on voit des dessinateurs américains comme Chris Ware, Seth ou Daniel Clowes s’en inspirer, cela n’est pas anodin.
Comment se fait-il que la Hollande soit à ce point une terre d’élection de la Ligne Claire puisqu’on y trouve aussi bien Joost Swarte, que Theo Van Den Boogaard ou Peter Van Dongen qui sont tous des graphistes éblouissants ?
Hergé a profondément marqué la culture en Hollande, je crois. C’est un style inaltérable, extrêmement moderne, mais qui suscite la nostalgie. Quand on voit le travail de Seth, on en est convaincus.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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